« Il plonge dans la vie plus que dans les bénitiers, porte la Bonne parole sur les plateaux télé plus que dans sa cathédrale, prêche plus souvent pour les SDF que pour les abonnés de la messe, s’indigne plus sur le malheur des hommes que sur leur inconduite. Bien sûr qu’il est "l’évêque de tout le monde"… mais avec une petite préférence pour les mal-classés », disaient de lui Élisabeth Coquart et Philippe Huet dans Les cris du chœur, publié chez Albin Michel en 1994.

AU COEUR DU CHOEUR

Mais vous savez aussi que cette année sera celle de l’inauguration de l’église de Malèves-Sainte-Marie, complètement rénovée, du chœur au parvis, et d’un Prieuré réaménagé pour accueillir plus confortablement les groupes et les différentes activités qui s’y déroulent. « Chœur et Parvis » est donc un thème qui mettra à l’honneur les bâtiments, comme un clin d’œil reconnaissant à ceux qui ont réalisé les travaux et à ceux qui les ont financés.
Cependant, au-delà des briques et des pierres, ce double thème est une façon de réinterroger notre manière d’être aux autres, car ces mots sont riches de sens multiples.
De quel chœur sommes-nous ? Quelles sont nos appartenances ? Quels sont les lieux qui nous ressourcent et nous font vivre ? Quelles sont les paroles qui nous mettent en voix, en joie ou en foi ? Quelles sont les mélodies qui nous mettent en chemin ?
Le chœur, ce sont tous ces gens qui nous aident à devenir nous-mêmes, au plus intime de nous.
Pour les croyants, le chœur d’une église, c’est le lieu sacré par excellence, celui d’une présence qui nous dépasse. C’est le lieu de la rencontre avec la transcendance, c’est le cœur battant qui nous relie à notre source. Mais c’était aussi un lieu réservé au seul clergé. Un lieu qui sépare Dieu du commun des mortels. Une Église qui se cantonne dans son chœur, est une Église fermée, coupée du monde, recroquevillée sur ses racines et incapable de fleurir. Quelqu’un qui se racrapote sur son chœur, ne porte jamais le regard vers l’horizon, uniquement vers son propre reflet.

S’OUVRIR À TOUS LES PARVIS

Le chœur, c’est aussi un ensemble vocal qui unit différentes voix en une seule polyphonie. Il évoque l’harmonie, la beauté qui surgit de l’union des différences. Le chœur, c’est l’union qui fait la force, la solidarité qui relie les bonnes volontés, la détermination de ceux qui se battent partout dans le monde pour un meilleur vivre ensemble.
Attention toutefois à ne pas faire du chœur un troupeau qui ne bêle que d’une seule voix. L’unité ne peut pas mener à l’uniformité comme les régimes totalitaires ont tendance à le faire croire. Le danger, lorsque nous restons enfermés sur le chœur, c’est l’entre-soi, l’enfermement, avec le risque de se figer sur nos certitudes, nos vérités et d’exclure tous ceux qui ne les partagent pas.
Le chœur n’est pas un moule qui coule chaque individu dans l’uniformité, attendant de lui qu’il se conforme et qu’il rentre dans le rang.
Dès lors, le chœur ne serait pas complet sans son parvis. Le parvis, c’est le chœur qui ouvre ses bras au monde. Le parvis est le lieu d’accueil inconditionnel. Il n’exclut personne. C’est le lieu où chacun peut être reçu dans son unicité, sa singularité. C’est l’endroit qui donne le droit à la différence, où chacun peut se réaliser. Quels sont ces lieux qui nous ouvrent à ce qui ne nous ressemble pas, qui font bouger nos certitudes ?
Et quand on est sur le parvis, ouvert aux quatre vents de l’Esprit, on peut regarder l’Église avec le recul, la prise de distance nécessaire, l’esprit critique et libre qui devrait caractériser chaque fidèle.
Le parvis, c’est un lieu d’ouverture à la diversité, là où se rencontrent différents mondes, le religieux et le profane, le semblable et le différent, l’ami et l’inconnu, le frère et le rival. N’oublions pas que le mot vient du latin paradisus, le paradis. Le parvis, c’est le paradis sur terre, le lieu où chacun devrait pouvoir rencontrer l’autre dans des relations harmonieuses. Se tenir sur le parvis, ce n’est donc pas se tenir à l’écart, c’est être un trait d’union, un trait de chœur. Il semblerait qu’on ne peut devenir soi-même aujourd’hui qu’en se tenant sur le parvis. Et si le chœur est le lieu de la rencontre avec le Tout-Autre, le parvis est celui de la rencontre avec tous les autres.

Jean Bauwin