Rencontre 2
Étienne Davodeau, Les Ignorants. Récit d'une initiation croisée.
Avant chaque rencontre, les participants lisent une partie de l’Évangile et un roman et les font entrer en résonance de manière personnelle, subjective. Lors des rencontres, ils partagent leur lecture d’abord en s’écoutant sans s’interrompre puis en débattant de leurs découvertes.
Cette année, à travers les mots de Matthieu et ceux de trois romans d’aujourd’hui, il considère quelques visages de la menace et quelques autres qui lui résistent, porteurs de promesse.
Étienne Davodeau, Les Ignorants. Récit d'une initiation croisée. (Futuropolis, 2011. Disponible en Futuropolis Poche)
L’étonnante rencontre d’un vigneron et d’un auteur de livres, leurs découvertes, et le constat que l’un et l’autre ont ce pouvoir nécessaire et précieux de rapprocher les êtres humains.
Compte-rendu
Je suis la vraie vigne, mon Père est le vigneron
Une bd, Étienne Davodeau, l’auteur de Les Ignorants, tient autant à cette appellation contrôlée que son ami vigneron, Richard Leroy, aussi et c’est pourquoi il a sorti son vignoble de l’AOP à laquelle il pouvait prétendre. Deux formes de liberté. Deux formes de recherche passionnée. Deux ignorances du métier et des savoir-faire de l’autre qui se comblent au fil du temps et des découvertes, dans l’amitié. Un livre, une bd donc, choisie, nous dit Philippe, parce que le vin est lié à notre religion dans les paraboles, et surtout lors de la dernière Cène et de nos célébrations.
Lors de la deuxième soirée du groupe BNP, nous avons partagé nos lectures du récit dessiné de ce double parcours en les mettant en résonance avec quelques chapitres de l’Évangile de Matthieu (10-18), à la lumière du thème du Prieuré, la menace et la promesse.
Évocation de notre rencontre
Un terroir magnifique, tel un trésor… alors on vend tout comme le négociant de perles fines vend toutes celles qu’il possèdent déjà pour acquérir une seule, la plus belle. (Mt 13, 45-46). Sauter dans le vide pour vivre en accord avec sa nature et la Nature.
Un terroir magnifique, exigeant un travail sans relâche : respecter la terre, tailler la vigne, rejeter le mauvais, le pourri (p.173) comme celui des « pêcheurs qui tirent leur filet sur le rivage, recueillent ce qu’il y a de bon et rejettent ce qui ne vaut rien ». (Mt 13, 47-52).
Mener à bien ce travail qui peut paraître emm…, tailler la vigne encore et à nouveau, et adorer cela en anticipant la récolte. Tels celles et ceux qui à l’invitation de Jésus se chargent de la croix et le suivent, car la promesse à venir est déjà présente. (Mt 16,24)
Mener à bien ce labeur sans rien en dire, sans ostentation, en osant transgresser les traditions comme on peut transgresser la loi, en sachant que ce n’est pas cela qui souille le cœur de l’homme (Mt 15,15 et 15,19-20). Clin d’œil aux rigoristes de tous poils.
Mener à bien ce labeur pour « donner à boire un vin qui parle de la terre à l’homme » (p. 38). Et oser aller à contre-courant comme Jésus qui affirme : « Je suis venu apporter le glaive, diviser » (Mt 10, 34-38) affirmant ainsi le caractère révolutionnaire de son message, sa promesse radicale et déjà présente.
Mener à bien ce labeur malgré les menaces de la pluie, de l’orage, du gel ou du soleil brûlant en se réjouissant de la récolte à venir et du plaisir promis à ceux et celles qui boiront le vin et l’apprécieront. « Car c’est au fruit qu’on reconnaît l’arbre. Car l’homme bon, de son bon trésor tire de bonnes choses. » (Mt 12, 33-34).
Et mener à bien aussi un autre labeur : dessiner, écrire. Tailler la mine et le propos pour un livre qui raconte, explique, enseigne. Car un livre est comme un enseignement, il sème sans savoir où tombera le grain… (Mt 13, 18-23)
Travailler dans la longueur du temps, dans la solitude pour élaborer un vin, élaborer un livre, porteurs d’histoires humaines, de menaces vaincues, de promesses vivantes.
« Moi, je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron.
Moi, je suis la vigne, vous les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit. » (Jean 15, v. 1 et v. 5)
Colophon:
Compte-rendu : Anne-marie Pirard