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Samedi 3 - Adélaïde Charlier

  • Date: 18/03/23
  • Heure: de 9h30 à 14h30 (accueil à partir de 9h00)

Quelques minutes avec Adélaïde Charlier : https://youtu.be/9NynCO-Wpvk

Désobéir pour réinventer le monde

PHOTO 4 lalibrebeSi nous continuons à épuiser les ressources de la planète, l’humanité court à sa perte… Le S.O.S. ne date pas d’hier : « Les limites à la croissance (dans un monde fini) » – mieux connu sous le nom de "Rapport Meadows" – a été publié en 1972 (déjà un demi-siècle !), soit bien avant la naissance d’Adélaïde Charlier. À l’époque, soit dit en passant, la population mondiale était de 3,6 milliards d’habitants. Nous en sommes aujourd’hui à 8 milliards. « Et moi, et moi et moi (…). J’y pense et puis j’oublie » (air connu – Jacques Dutronc, 1966).

 © LaLibre.be

Adélaïde est née à Namur avec le nouveau millénaire. C’était le 9 décembre 2000. Elle a grandi très vite, dans une famille soudée, ouverte sur le monde et sur autrui. Vingt ans plus tard, à l’automne 2020, elle entamait des études en sciences sociales (et en anglais) à la Vrije Universiteit Brussel (VUB). Mais ce n’est pas pour ça qu’on la connaît... Adélaïde est une activiste au plein sens historique du terme. Depuis quatre ans, elle est la coordinatrice francophone du mouvement Youth for climate, en Belgique. L’énergie inouïe qu’elle dépense pour cette noble cause semble inépuisable, pardon éminemment renouvelable, même si parfois et si nécessaire, la demoiselle a recours à cette forme d’action subversive qu’est la désobéissance civile. On ne réinvente pas le monde avec des pincettes, n’est-ce pas. Inspirée par les actions spectaculaires de la suédoise Greta Thunberg, Adélaïde Charlier a été, rappelons-le, l’une des figures de proue des premières grèves scolaires pour le climat en Belgique, dès la fin 2018. Depuis lors, son agenda est celui d’un(e) ministre, mais n’essayez pas d’être condescendant avec elle, du style « elle est bien cette petite jeunette ! », elle vous enverra gentiment bouler.
Son cri est pourtant bien celui de la jeunesse d’aujourd’hui.
À ses yeux, face au défi climatique, personne ne peut plus rester les bras ballants, toutes les énergies positives sont bienvenues, y compris celles des générations plus anciennes que la sienne (1). Il y va de l’avenir même de nos enfants, petits-enfants et ainsi de suite… Dans un entretien récent avec Francis Van de Woestyne (2), elle déclarait : « J’ai peur en grandissant de m’enfermer dans une manière de penser, de vivre. J’ai peur de ne plus me questionner aussi facilement qu’aujourd’hui. J’ai le sentiment que ce questionnement est plus aisé quand on est jeune. Je n’ai rien à perdre, je n’ai pas encore construit quelque chose, je n’ai pas de carrière derrière moi. J’ai envie de garder ce sentiment que tout est possible, que l’on peut réinventer le monde. » Le 18 mars 2023, c’est nous qui la questionnerons au Prieuré. Chouette ! À moins, qui sait, qu’elle soit requise ce jour-là par une nouvelle marche internationale de Youth for climate. Auquel cas nous serions tous inconsolables.


(1) Le mouvement Grands-parents pour le climat est d’ailleurs né avant Youth for climate. Site : https://gpclimat.be
(2) La Libre Belgique, 22-05-2022.


 COMPTE-RENDU

« Un autre monde est possible. »

En ce 18 mars printanier, Adélaïde Charlier, jeune activiste de 22 ans et présidente de Youth for Climate, a fait souffler une brise printanière sur les samedis du Prieuré. L’énergie qu’elle met à lutter contre le réchauffement climatique est, nous en furent témoins, inépuisable.

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C’est à nouveau dans l’église voisine de Thorembais-les-Béguines que le Prieuré a installé ses quartiers, étant donné les travaux toujours en cours à Malèves-Sainte-Marie. Cette matinée enchantée par les Muses, leurs musiciens et trois jeunes Musettes, fut un moment de rencontre enthousiasmant entre les générations autour des enjeux fondamentaux de notre avenir.
Adélaïde Charlier, interviewée par Bernard Balteau en ce samedi 18 mars 2023, accepte volontiers l’étiquette d’activiste, à condition d’entendre par ce mot : « celle qui est active face à un changement qu’elle veut voir advenir dans la société ».
Elle est la troisième fille d’une famille soudée qui en compte quatre, et est née à Namur en 2020. Enfant, elle aimait jouer dans le jardin, grimper aux arbres, en tomber parfois, et revenir toujours avec le pantalon sale. C’est l’envie de découvrir et de jouer avec les autres qui la caractérise déjà.
Sa maman lui donne l’envie de dépasser les normes, de ne pas suivre nécessairement les chemins tout tracés. Elle pousse ses filles à faire l’école du cirque, elle accepte leurs folies, leurs engagements et leurs projets qui sortent des codes.
De l’exemple de ses parents, elle reçoit aussi l’ouverture aux autres et l’empathie. « C’est difficile, en tant que privilégié, de prôner un monde meilleur, sans se mettre à la place des autres, de ceux qui souffrent des conséquences de nos destructions, qui vivent des situations d’urgence que nous, privilégiés, ne connaissons pas. »

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« L'urgence climatique et le respect des droits humains
doivent être défendus ensemble. »


Elle grandit dans un environnement chrétien et fait siens cet héritage et cette foi. « Je crois qu’il y a une force autre que ce qu’on peut comprendre en tant qu’être humain. La religion est une façon de répondre aux questions auxquelles la science ne peut répondre. Mais je reste ouverte aux autres croyances et à toutes les autres religions. Leurs réponses m’intéressent aussi. »
Elle trouve que beaucoup de jeunes ne se posent pas suffisamment la question du sens de la vie. « Il faut faire des choses qui sont alignées à nos valeurs et à nos propres talents. On est sur terre pour cohabiter ensemble, s’organiser, se respecter entre êtres humains, mais aussi entre êtres vivants. Le sens de la vie, c’est de rester joyeux et heureux avec les autres, tout en respectant ses propres limites et celles des autres, mais aussi les limites des animaux, des arbres et de la nature. On a accepté de détruire et de ne plus respecter les êtres vivants, pour le bien-être des humains. »
Pour elle, l’engagement donne du sens à sa vie. Quand elle résiste, quand elle dit non, quand désobéit, c’est pour un bien commun, contre une règle qui n’a pas de sens parce qu’elle ne respecte pas les autres. Ses combats, elle ne peut pas les mener seule. Faire partie d’un collectif qui est prêt à se lever contre quelque chose qui est injuste, cela donne de la joie et de l’énergie.

Respecter la nature et l’homme

DSC 0255À l’âge de 12 ans, elle suit ses parents au Vietnam, à Hanoï. Elle a eu du mal à tout quitter, mais après six mois, elle s’est adaptée et épanouie dans l’école des Nations-Unies. Ce seront les cinq plus belles années de sa vie. Dans cette école, elle est déjà conscientisée aux problèmes de la pauvreté, de l’environnement, au développement durable. La question des droits humains est au centre de son éducation, ainsi que le sport. C’est donc au Vietnam que les graines qui germent aujourd’hui ont été semées.
De retour en Belgique, elle termine son parcours dans le secondaire au Collège jésuite d’Erpent. Elle s’investit dans Amnesty International, Oxfam, et puis en 2018, elle découvre le discours de Greta Thunberg à Davos. La Suédoise a deux ans de moins qu’elle et elle sermonne les leaders économiques du monde entier. Adélaïde est impressionnée et décide de s’engager dès les premières marches pour le climat qui seront organisées par les jeunes en Belgique. Elle sera de toutes les manifestations, quitte à rater vingt jeudis consécutifs de cours.
À ceux qui s’interrogent sur la légitimité des prises de position de ces jeunes, elle répond que c’est légitime pour eux de donner leur avis sur leur avenir, d’interpeller ceux qui décident pour eux, qui prennent des décisions qui engagent leur vie future, mais aussi leur vie présente. Les jeunes ne vivent pas en dehors de la société. Ils en font partie et doivent être partie prenante des décisions qui les concernent aujourd’hui. Elle n’en veut pas aux générations passées, mais elle est en colère contre ceux qui, aujourd’hui, sont informés des conséquences désastreuses de leurs décisions, et qui les maintiennent alors qu’ils ont des leviers d’action pour éviter la catastrophe.
En 2019, elle traverse l’Atlantique en voilier, avec 35 autres jeunes pour se rendre à la COP 25 au Chili et à un sommet dans la forêt amazonienne qui réunissait des chefs de tributs

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« L'empathie, c'est se mettre dans les bottes des autres. »

autochtones, des scientifiques et des activistes. Le voyage dure sept semaines et se fait à la rapidité d’un vélo. La traversée est éprouvante pour elle qui souffre du mal de mer et, qui plus est, la COP est déplacée à Madrid. Elle ne pourra donc y assister, mais la rencontre en Amazonie lui apporte beaucoup et lui fait découvrir que l’urgence climatique et le respect des droits humains doivent être défendus ensemble, avec le même niveau d’importance.
Il y avait en effet un projet de construction d’un gigantesque barrage hydraulique au cœur de la forêt amazonienne. Si l’électricité qu’il allait produire était verte et contribuait ainsi à diminuer les émissions de CO2 dans l’atmosphère, ce barrage modifiait considérablement l’écosystème et obligeait un village à migrer pour se reconstruire ailleurs. Les villageois s’étaient scindés en deux, entre ceux qui voulaient résister et se battre et ceux qui voulaient partir. C’est là qu’elle mesure combien les combats pour le climat ne doivent pas se faire au détriment des droits humains et sociaux, de la biodiversité, des limites planétaires.

Le combat de tous

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Le combat qu’elle mène rassemble aussi toutes les générations, dont l’association Les grands-parents pour le climat. L’urgence est telle qu’elle concerne tout le monde et pas seulement la jeune génération. Et parmi les jeunes, tout le monde n’est pas encore suffisamment conscientisé. « Ma génération est née dans un système où on nous a appris que pour être heureux, il fallait consommer. On nous a vendu un rêve qui détruit la planète et il est difficile d’en changer. »
Que faire alors ? Continuer à se mobiliser dans tous les secteurs possibles, chacun à son niveau, là où il est actif. Plus on est privilégié, plus la responsabilité est grande. Il faut s’inscrire dans une action collective et travailler ensemble, que ce soit au niveau communal, national, européen ou international. Il faut du courage et oser refuser ce qui détruit pour accepter ce qui régénère.
Les leviers d’action sont les marches, les occupations, les lobbys et rencontres politiques, mais aussi la désobéissance civile. Elle refuse toute violence, mais elle constate que désobéir, c’est se faire écouter par les médias ou les politiques.
L’éco anxiété, pour elle, vient de l’écart entre nos façons de vivre et la conscientisation de l’urgence à en changer. L’engagement, et l’engagement collectif en particulier, permet de faire le pont entre les deux et de diminuer cette anxiété.
En écoutant Adélaïde, son enthousiasme et sa joie de vivre, on se dit en effet, qu’un autre monde est possible.

Jean BAUWIN

***

ÉVOCATION

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Ce qui me vient naturellement à l’esprit, pour évoquer ce que nous avons vécu ce matin avec vous, Adélaïde, c’est l’idée du souffle.
Ce souffle que l’on peut conjuguer à l’infini !

  • Le souffle de la jeunesse évidemment, de l’enthousiasme, de l’énergie, de la joie de vivre, de l’activisme au bon sens du terme, de la force de conviction,
  • Le souffle du changement, du Vietnam, des Nations Unies, de la forêt Amazonienne, de l’Atlantique, de l’engagement, de ce qui donne sens à la vie,
  • Le souffle de la nature quand vous participez à la série « Les arbres qui marchent »,
  • Le souffle du mieux vivre ensemble, de l’empathie, du respect, de la pédagogie, des droits humains et de la désobéissance aussi !
  • Le souffle de la complexité,
  • Le souffle de la colère mais aussi de la tendresse pour les grands parents,
  • Le souffle de la famille, votre famille, qui donne des propositions de valeurs,
  • Le souffle de l’esprit dans la croyance d’un Dieu amour qui ne s’impose pas,
  • Le souffle de l’autorité, dans la mesure ou avec Greta Thunberg et Annuna Dewever, vous redites simplement ce que les experts du GIEC disent et redisent inlassablement,
  • Et enfin le souffle de l’utopie et de l’espoir : je vous invite à aller voir le spectacle « La bombe humaine » sur les questions du climat. Le final du spectacle, c’est la voix d’Adélaïde !

En échos de ce que nous avons entendu ce matin, je pense au « Livre des Lamentations » (oui je sais ce n’est pas le livre que nous avons naturellement sur notre table de chevet !)
Il y est dit :  « Les bontés du seigneur ! c’est quelles ne sont pas finies ! elles sont neuves tous les matins ! … »
Ces paroles me font penser à celles, plus récentes, de Maurice Bellet.
Il a dit et répété que l’Évangile est inouï, au sens de ce qu’il n’est pas complètement entendu et surtout qu’il est inachevé.
Si vous Adelaïde, ou nous, ne savons pas ce qu’est cet « inachevé » de l’Évangile et que vous n’avez rien à lire pour le moment, lisez  La Blessure et la grâce de Gabriel (mes excuses pour la publicité).
C’est plein de pépites et d’idées pour poursuivre l’accomplissement de l’Évangile dans nos vies.
Merci Adélaïde d’y avoir contribué pleinement ce matin,  bon vent et soyez heureuse comme vous l’êtes aujourd’hui devant nous.

Thierry Marchandise

 Film Reveillons nous QR code

Pour aller plus loin, nous vous invitons à regarder le film « Réveillons-nous » sur Youtube.
Disponible en scannant le QR code ci-joint, ou en tapant Réveillons-nous sur Youtube.

 Livre Quel monde

Adélaïde Charlier a aussi participé au livre « Quel monde pour demain ?
Dialogue entre générations »
, aux éditions Luc Pire.

 
 

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« Pour être heureux, il fallait consommer.
On nous a vendu un rêve qui détruit la planète. »

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« Il a fallu tout lâcher pour aller vers l'inconnu. »


Lien vers la vidéo : https://youtu.be/9NynCO-Wpvk

 

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Interview : Bernard Balteau
Compte-rendu : Jean Bauwin
Évocation : Thierry Marchandise
      Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/
Animation musicale : Les Muses et les Musettes
Photos : Chantal Vervloedt-Borlée
(18/03/2023)

 

 

 

Samedis du Prieuré