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Samedi du Prieuré : Christine Pedotti (24/05/14)

SAMEDI DU PRIEURÉ : ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Christine Pedotti : Heureux les hospitaliers, ils recevront la fraternité !

 

Christine Pedotti, la rédactrice en chef de Témoignage Chrétien et auteur du tout récent Jésus, cet homme inconnu a confié aux habitués des Samedis du Prieuré, son rêve de voir l’humanité vivre concrètement la fraternité dans l’hospitalité.

Christine Pedotti est née à Charleville, comme Rimbaud. Elle y vit une enfance libre et rêveuse, illuminée par la foi que lui transmettent ses parents et un prêtre proche de la famille. Mais avec l’adolescence, vient le temps de l’ennui, qui est aussi un temps de maturation. Comme Rimbaud, elle croit que la vraie vie est ailleurs. Elle lit beaucoup et est impatiente de partir. Il ne faut donc que 20 jours à son futur mari pour obtenir son consentement. Ce mariage est un « rapt », une « O.P.A. », dit-elle avec malice.
Leur couple ne pourra pas donner naissance à un enfant. Ce qui est un vrai malheur au début, restera toujours une blessure. Mais le couple découvre d’autres fécondités et se fait adopter par un jeune garçon de 17 ans. « Comme un chat, il est venu gratter à notre porte, s’est mis à miauler, et deux ans plus tard, il était chez lui et appartenait à notre vie. »
Christine Pedotti fut responsable d’aumônerie dans le quartier latin à Paris. C’est à ce moment-là qu’elle a vu l’Esprit-Saint à l’œuvre. Elle a vu ces jeunes prendre pied dans leur liberté et naître à la personne adulte qu’ils étaient en train de devenir.
Passionnée par la chose politique, elle fait des études d’histoire et de sciences politiques, mais c’est l’écriture qui deviendra le fil rouge de son existence : l’écriture qui humanise. La sienne s’épure lorsqu’elle s’adresse aux enfants, Christine a en effet fondé Grain de Soleil aux éditions Bayard et dirigé le département jeunesse des éditions Fleurus et la série Théo.
« Je me suis beaucoup trompée dans ma catéchèse, confie-t-elle aujourd’hui. Il ne faut pas transmettre des savoirs, je pense qu’il faut une parole fragile. On a essayé de transmettre de la force, de la certitude, au lieu de transmettre les réponses que nous tentons de trouver au quotidien dans nos épreuves. La position que l’on devrait avoir en tant que croyant, c’est de pouvoir dire : “ je ne sais pas ”, ou “ ça dépend ”. “ C’est la part la plus faible en nous qui nous évangélise ” dit Olivier Legendre. Tout ce que j’ai de fort ne sert à rien. »


Se mettre en marche

Et puis, elle se met à écrire pour les plus grands. Plutôt que de râler contre l’Église qui fonctionne mal, elle se met à rêver de ce qui pourrait se passer pour que ça aille mieux. Son rêve, elle l’a raconté à ses amis avant de l’écrire sur leur insistance, dans son roman Vatican 2035. Olivier Orban, son éditeur, lui conseille de prendre un pseudonyme : « Ma belle, dans ton église, si tu veux qu’on t’écoute, il faut que tu signes avec un nom d’homme. » Ce sera Pietro de Paoli. Les nombreuses lettres qu’elle reçoit de ses lecteurs l’encourageront à poursuivre.
Et puis, en 2008, Mgr Vingt-trois affirme dans la presse : « Le plus difficile est d'avoir des femmes qui soient formées. Le tout n'est pas d'avoir une jupe, c'est d'avoir quelque chose dans la tête. » Son humour maladroit et macho provoque une vague d’indignation et la création du Comité de la jupe où Christine Pedotti rejoint Anne Soupa. Désormais, elles seront attentives à toute discrimination à l’égard des femmes dans l’église. « Nous allons progresser en humanité si nous nous rendons compte que nous marchons sur deux pieds, si le monde prend en compte sa part féminine. »
Plutôt que de réclamer l’ordination des femmes, elle propose de créer de nouveaux sacrements, de nouveaux ministères que les femmes pourraient tenir. Pourquoi ne pas inventer un sacrement de réconciliation pour ces couples qui vivent un divorce ? Pourquoi ne pas les accompagner afin qu’ils continuent ensemble et paisiblement leur boulot de parents ? L’avenir de l’Église est dans la créativité dont elle saura faire preuve.
Son crédo est désormais de demander aux baptisés de se mettre en marche et elle trouve avec le pape François, un allié de poids. « Le simple fait de ce qu’il est, est un fameux signe. On ne pourra plus faire pape comme avant. J’ai peur qu’il ne réussisse pas, mais il est une vraie charnière. Il y aura un avant et un après. La question est de savoir si le système institutionnel de l’église peut se réformer sans se casser ? Peut-on réformer sans schisme ? »


Sortir du patriarcat

Lors des manifestations contre le mariage pour tous en France, elle s’insurge : « Ce que défendent les hommes de religion dans cette affaire de mariage pour tous, ce n'est pas l'institution du mariage mais le patriarcat. S'ils défendent la différence des sexes, c'est pour mieux assigner les femmes à leur "ordre naturel", celui de la procréation, de la modestie et du silence. Et le pire, c'est que c'est au nom de la défense des enfants, que ces hommes de religion mobilisent les femmes dans un combat qui in fine est un combat contre elles-mêmes. La manœuvre est, d'un point de vue stratégique, admirable. »
Le patriarcat, c’est la main des hommes sur le corps des femmes. Il faut se rappeler qu’au début, le mariage, c’est un homme qui donne une femme en mariage à un autre homme. Le mariage est un lien entre deux hommes. La femme n’est qu’une monnaie. L’émancipation des femmes, comme le dit joliment ce mot, c’est la main qui se retire.
Avec Jésus, cet homme inconnu, elle tente de renverser le regard que l’on porte sur « ce gars-là ». Souvent, on voit en lui Dieu qui se fait homme. Mais ce n’est pas comme cela que ça s’est fait. Jésus est un homme qui intrigue, qui parle comme aucun autre, d’une humanité qu’on n’avait jamais vue. Ses compagnons sont alors convaincus qu’il y a dans cet homme quelque chose qui appelle, de divin. Elle choisit de raconter l’histoire en passant par Marie-Madeleine celle dont la « prière était de le regarder ».  Elle raconte cette nuit oubliée, celle du vendredi au samedi. C’est durant cette nuit-là que l’histoire humaine de Jésus s’accomplit. C’est la nuit des questions, de la foi. Cette nuit-là, la vie de Marie-Madeleine est en miettes. Cet homme, en qui elle a cru, vient de mourir. Elle sera le témoin principal de la résurrection, et c’est sur la parole de cette femme que se base notre foi.
Cette femme qui croyait que son cœur était mort est revenue du tombeau avec un cœur dilaté.


Adoptés par le Fils

Jésus, sur la croix, nous confie sa mère, mais on pourrait très bien renverser le point de vue et voir que Marie nous confie un frère. La fraternité est en effet au cœur du Christianisme. Nous sommes faits frères par Jésus, nous sommes adoptés en fraternité par le Fils.
La Bible nous met face à la violence des relations entre frères, mais le fratricide de Caïn est sauvé par l’amour du Christ qui nous restaure dans notre fraternité.
Comment vivre la fraternité au quotidien ? Par l’hospitalité. Le mot est intéressant. On est hôte des deux côtés de l’hospitalité. L’incarnation est l’hospitalité réciproque : Dieu se fait l’hôte de l’humanité et l’humanité devient l’hôte de Dieu.
La vivre au quotidien, c’est se laisser changer par l’autre que j’accueille et qui m’accueille. C’est une sorte de métissage. L’hospitalité se vit à travers des actes simples : être hospitalier à la parole de l’autre. L’évangile ne raconte rien d’autre qu’une hospitalité sans cesse répétée.
Elle se vit aussi dans l’accueil de populations qui frappent à notre porte, ballotées qu’elles sont dans l’histoire du monde. Une des plus grandes pauvretés du monde est de ne pas avoir de chez soi. Le scandale des médias est de n’avoir retenu que la première partie de la phrase de Michel Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part. »
Prendre notre part, ce serait peut-être installer au cœur de nos villes des « hôpitaux de campagne », pour rebondir sur l’expression du pape François. Des lieux éphémères qui sont encore à inventer et qui diraient quelque chose de la tendresse de Dieu, qui témoigneraient que la violence et l’hostilité ne sont pas le fin mot de notre histoire humaine. Des lieux où l’on prendrait soin de l’autre, avec cette joie qui habite le croyant.

Jean BAUWIN
(24/05/2014)

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