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Samedi du Prieuré : Hugues Dayez (29/03/14

SAMEDI DU PRIEURÉ : ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Hugues Dayez : Heureux ceux qui parlent librement


Ce samedi 29 mars 2014, Hugues Dayez, le quatrième invité des Samedis du Prieuré, a décliné les béatitudes à sa façon, en disant le bonheur qu’il éprouve à exercer son métier de critique de cinéma. C’est pour lui une vraie passion, même si le métier exige une liberté de parole et une honnêteté de plus en plus rares dans le monde médiatique d’aujourd’hui.

« Quand j’étais jeune, j’étais très vieux ! » Avec l’ironie qu’on lui connaît, Hugues Dayez compare son enfance aux romans de Mauriac. Il a reçu en effet une éducation très à l’ancienne, imprégnée de valeurs chrétiennes, mais teintée d’ironie, de sens critique et d’autodérision. Il est le benjamin d’une famille de sept enfants, ce qui explique qu’il baigne dans les références culturelles de ses grands frères, comme s’il avait une génération de retard. Il vit en autarcie avec eux. « Je n’ai pas besoin de fréquenter les mouvements de jeunesse, puisque nous sommes assez nombreux à la maison pour faire cela dans le jardin », dit-il avec un sourire en coin. Il reconnaît bien volontiers que cette vie ne favorise pas l’ouverture ni la débrouillardise, mais il sent qu’en prenant de l’âge, il marche vers sa jeunesse.

Le métier de père

La famille prend une place importante dans la famille d’Hugues Dayez. À l’inverse de ses grands frères, il garde le souvenir d’un père présent et avec qui il est possible d’avoir des discussions importantes à l’adolescence, parce qu’il était déjà malade et plus souvent à la maison. Et lorsqu’Hugues devient père à son tour, il se donne comme principe de ne pas passer à côté de l’enfance de ses enfants. Son fils aîné, atteint d’autisme et du syndrome d’Asperger, demande une attention redoublée de sa part. Pourtant, il veille à s’occuper de son second fils autant que du premier. Sa relation à ses enfants est essentielle, au point que son métier - critiquer des films - lui paraît parfois dérisoire. Mais comme il a la chance d’être passionné par ce qu’il fait, il n’a pas l’impression de travailler.

Après avoir occupé différents postes à la RTBF, cette vénérable maison où il entre en 1988, il est repéré par Sélim Sasson qui, vieillissant, trouve en lui une aide pour le seconder avec talent. Aujourd’hui, quand il ne parle pas de cinéma, il écrit à propos de la BD, son autre passion qui lui vient de l’enfance. « Ce qui est formidable à Bruxelles et qui n’est possible que là, explique-t-il, c’est que l’on pouvait approcher sans difficulté des dessinateurs comme Hergé, Morris, Frankin ou Peyo, et toucher du doigt la magie des rêves d’enfants. » L’écriture est aussi pour lui un moyen de quitter l’éphémère de la radio et de laisser une trace plus durable en creusant ses marottes.

 

La liberté par-dessus tout

Aujourd’hui, les médias sont de plus en plus muselés par les impératifs économiques, au point d’en perdre leur liberté de parole et le recul nécessaire pour émettre un jugement critique sur un film. Hugues Dayez a la chance de travailler dans une maison qui lui laisse encore cette liberté. Sans elle, il abandonnerait ce boulot qui perdrait tout son sens. Cette liberté de ton, ce second degré, cette ironie avec laquelle il aborde les choses, on la sent très fort dans son émission de radio sur Pure FM où, avec son complice Rudy Léonet, il se donne comme principe de tout dire, avec sincérité et dans le respect du grand public.


Un film n’est pas un médicament

« Si on doute de ses convictions, il ne faut pas faire ce métier », dit-il. Il faut oser parfois dire qu’un film plein de bonnes intentions, et qui ravira sans doute un large public, n’est pas un grand film. « Le public, il faut aller contre », lui rappelait Michel Bouquet en reprenant la phrase de Thomas Bernard. Le rôle d’un film est de bousculer le spectateur, le transformer, l’inviter à se poser des questions qu’il ne s’était pas posées avant.

Le rôle du critique de cinéma est sans doute dans la même veine, il ne s’agit pas de caresser le public dans le sens du poil, d’encenser des productions consensuelles et sans relief. Le public ne peut donner sa confiance à un critique que s’il sent chez lui une réelle sincérité, une indépendance d’esprit et une honnêteté, même si elles peuvent parfois agacer. « Il arrive que l’on soit pris en otage par un film plein de bonnes intentions, mais un film n’est pas un médicament destiné à faire du bien, précise-t-il. C’est une œuvre d’art. » Il est alors difficile d’en dire du mal. Mais on ne fait pas du bon cinéma avec des bons sentiments, et il faut oser le dire quand un film est lénifiant, prévisible, gentillet, trop lisse ou donneur de leçons. Bien sûr l’objectivité n’existe pas, mais l’intégrité, l’honnêteté intellectuelle, oui. C’est à cela qu’on reconnaît un critique de cinéma.

« Un grand film, précise-t-il, c’est d’abord une œuvre d’art et non un produit commercial. C’est un film qui chemine en vous et vous accompagne, longtemps encore après la vision ; un film qui utilise le prisme de l’humour, de l’ironie et du second degré, pour créer une réelle complicité avec le spectateur. » Un peu comme son interview, pourrait-on dire…

Jean BAUWIN
(29/03/2014)

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