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Samedi du Prieuré : Jean-Luc Piraux (25/01/14)

SAMEDI DU PRIEURÉ : ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Jean-Luc Piraux : Heureux celui qui creuse


« On ne construit pas un spectacle, on creuse. Et plus on creuse, plus on touche le vrai », dit Jean-Luc Piraux. Dans ses spectacles qui bousculent nos inquiétudes, il creuse la question de notre rapport aux autres, surtout lorsqu’ils sont différents, parce que handicapés, sans domicile, sans emploi, ou trop vieux.

La venue d’un enfant handicapé dans une famille est toujours un choc auquel on n’est pas préparé. Jean-Luc Piraux entre à peine dans l’adolescence, quand arrive ce petit frère si différent. Les relations familiales en sont profondément chamboulées et il n’est pas facile pour chacun des frères et sœurs de trouver sa place. « Pas évident de draguer les filles quand on est accompagné d’un frère handicapé ! » Mais au bout du compte, il y a plus de bonheur que de souffrance à vivre aux côtés d’un frère pareil.

Heureux celui qui peut regarder la lune dans les yeux

Jean-Luc Piraux évoque quelques anecdotes cocasses et amusantes. Il aimait assister à des matches de tennis avec son frère. Comme celui-ci n’a pas accès à la parole, il manifestait sa joie et ses encouragements par des cris. Jean-Luc s’amusait à voir les joueurs ainsi déconcentrés et perdre le point. Il se souvient également de cette nuit passée à la belle étoile dans un bois de sapins. Il avait dit à son frère : « Regarde la lune ». Et puis, lorsqu’il s’était réveillé au milieu de la nuit, il avait constaté que son frère n’avait pas fermé l’œil et n’avait pas cessé de fixer l’astre nocturne. 

Lorsqu’il parle ensuite de son travail théâtral avec des personnes handicapées, Jean-Luc Piraux se rappelle avoir été profondément ébranlé : « En fait, je suis handicapé et personne ne me l’a jamais dit. Sur scène, la communion est telle que nos différences ne nous séparent plus. »

C’est sans doute au catéchisme que le futur comédien a découvert sa vocation théâtrale. Comme le catéchiste n’arrivait pas à intéresser son groupe de galopins turbulents, il leur avait proposé des jeux de rôle. C’est alors, pour le jeune homme, la révélation d’une passion pour le théâtre qui ne le quittera plus. Le théâtre amateur fut une belle école qui lui apporte surtout davantage de confiance en lui. Il fait ensuite ses débuts dans le théâtre pour jeune public, avant d’avoir l’envie de s’adresser aux adultes et d’écrire pour eux.

Soutenu et secondé par Brigitte, son épouse, il écrit et joue des spectacles où les préoccupations sociales et humaines sont au cœur de son propos. « J’ai envie de donner la parole aux gens qui ne l’ont pas en général, aux petites gens. » Ce qu’il aime par-dessus tout, c’est qu’en sortant du spectacle, les gens se racontent, qu’ils se soient reconnus dans les histoires qu’il fait vivre sur scène.


La poésie de l’oblique

« J’essaie d’écrire avec un nez rouge », dit modestement Jean-Luc Piraux. L’humour est d’autant plus nécessaire que les histoires qu’il raconte sont tragiques. « On peut rire de tout, à condition d’aimer. Il ne s’agit pas de « rire de », mais de « rire avec ». On peut dire tout ce qu’on veut sur ses personnages, si on les aime et si on est prêt à les défendre. »

L’humour ne va pas non plus sans poésie, sans ce regard décalé qui lui vient peut-être de sa dyslexie. Il aime regarder la réalité un peu de travers, en oblique.

Et lorsqu’il évoque le sujet de son prochain spectacle, Six pieds sur terre (titre provisoire), qui parlera de la situation dans les homes, le public s’anime. Le moins qu’on puisse dire est que le sujet ne laisse personne indifférent. Au-delà des anecdotes qu’il raconte avec humour, il met le doigt sur une réalité qui fait mal. La situation dans beaucoup de ces maisons est alarmante, quand elles ne respectent pas la dignité des pensionnaires. « Est-ce cela, le tableau de fin de vie que nous nous proposons à nous-mêmes ? »

 

Jean BAUWIN
(25/01/2014)

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