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vendredi 15 avril 2022

Vendredi Saint

Pour revoir les célébrations : https://vimeo.com/showcase/7887341 

LA COMPASSION DU VENDREDI
Pétrir le pain de la blessure
- Avec Sophie Pirson et Fatima Ezzarhouni - Mamans blessées par les attentats islamistes

Ezzarhouni Fatima et Pirson Sophie Rec

 

Sophie Pirson a vécu le calvaire de l'attentat du métro de Bruxelles auprès de sa fille gravement blessée.
Fatima Ezzarhouni a vécu le calvaire du départ de son fils pour le Jihad en Syrie où il est mort.
Ces deux femmes se sont liées d'amitié dans leur souffrance de mère. Une amitié que Sophie raconte dans son livre Couvrez-vous bien, il fait froid dehors. Ces conversations avec Fatima disent la fêlure et l'inquiétude, mais toujours à mi-voix, dans la douceur et l'affection.

 


COMPTE-RENDU

L'égale douleur des mères

Sophie Pirson est la maman d’une jeune fille blessée dans les attentats du métro bruxellois et Fatima Ezzarhouni, la maman d’un jeune anversois parti faire le Jihad en Syrie, au lendemain de ses 18 ans, et mort en 2021 des suites de ses blessures. De leur rencontre improbable est née une amitié forte. En pétrissant ensemble le pain de la blessure, elles ont écrit un livre Couvrez-les bien, il fait froid dehors. En ce vendredi saint, la douleur des mères au pied de la croix, est d’égale intensité.

DSCF3679bisEn ce 15 avril 2022, la boulangerie installée sur la scène de la Ferme du Biéreau, à Louvain-la-Neuve, est remplie de monde. Hélène Mouton a recueilli la pâte qu’elle avait pétri la veille, blessée après une nuit d’angoisse passée au Jardin des Oliviers, pour la façonner, lui donner du corps et de la force. Le comédien Jean-Philippe Altenloh a rejoint Sylvie Rigot pour faire dialoguer les textes de la passion avec ceux de Sophie et de Fatima. Les Muses et leurs musiciens, renforcés par Damien Chierici, qui fait si bien pleurer son violon, soulignent l’émotion intense des échanges, mais aussi la joie qui peut survenir, sans crier gare, au cœur de la nuit la plus sombre.
Sophie et Fatima sont deux mères blessées, chacune à leur manière, par la violence des attentats islamistes. Gabriel Ringlet les réunit à nouveau pour un vendredi saint célébré en communion avec toutes les mères endeuillées de l’actualité.

Qui pour compatir ?

Le 22 mars 2016, à 9h30, Sophie reçoit un appel téléphonique de sa fille Léonore. Elle vient de subir de plein fouet les attentats du métro Maelbeek à Bruxelles et elle rassure sa maman : « Je suis vivante, mais je n’ai plus de main. » Sophie s’effondre : « La peur, cette masse informe tapie au fond de moi depuis que je suis mère est, en cet impensable, comme une pâte qui ne demande qu’à lever. Elle enfle, elle gonfle, elle se répand et elle envahit mon corps tout entier. »

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Elle voudrait croire que les anges existent.
Vers quels cieux pourrait se perdre sa prière ?

Sophie se souvient qu’autrefois, sa maman priait avec elle le soir, pour que Dieu protège sa famille et tous ceux qu’elle aime. Mais aujourd’hui qu’elle est loin de Dieu, vers quels cieux pourrait se perdre sa prière ? Elle n’en sait rien mais, pour elle, c’est l’humanité qui lui répond.
Les médecins parviennent à sauver la main de Léonore et elle réapprend à vivre. C’est d’ailleurs elle qui emmène sa maman dans le métro. Avec elle, Sophie découvre, au cœur de la traversée, la promesse d’un autre printemps.
Fatima, quant à elle, est anversoise d’origine marocaine. Elle a trois enfants et son aîné, Abdellah, fils d’un premier mariage, vient lui rendre visite le jour de ses 18 ans, le 13 juin 2013. Elle voudrait le prendre dans ses bras, le cajoler, mais il se fait fuyant et se dit pressé parce qu’il est en examens. Elle ne sait pas qu’elle le voit pour la dernière fois. Deux jours plus tard, son petit frère trouvera une lettre où il annonce qu’il part combattre en Syrie, « pour défendre les musulmans abandonnés par le monde entier ». Fatima est anéantie par cette nouvelle. Elle devient la mère du fils parti et dont on ne peut pas parler. Il devient un tabou absolu. À plusieurs reprises au cours des années qui suivent, on lui annonce la mort de son fils. En 2019, l’information semble suffisamment crédible pour qu’elle organise une cérémonie d’adieu. Mais un an plus tard, elle reconnaît son fils à la télévision. Il est prisonnier dans une prison kurde et s’adresse à un journaliste hollandais. Son cœur de mère chavire et craque. Ce qui l’aidera à tenir, c’est l’amour de sa famille, la compassion de ses amis et la foi en un Dieu qui la jugera sur ses actes et non pas sur sa liberté.

Le pain qui redonne vie

Le 4 février 2021, pour la huitième fois, on lui annonce la mort de son fils et les autorités kurdes confirment l’information. Son fils laisse une épouse et deux enfants en bas âge, qui vivent dans un

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« C'est ton histoire, Fatima, qui m'a menée
vers une page blanche
pour ouvrir
avec toi une porte vers l'avenir. »

camp kurde. Fatima n’a plus de nouvelles d’eux depuis plus de dix mois. Avant de mourir, son fils avait confié à la Croix-Rouge une lettre d’adieu déchirante pour sa maman où il demande pardon, à elle et à la Belgique, pour le mal qu’il a commis. « J’étais jeune. J’étais stupide et j’ai reçu un lavage de cerveau. (…) Je te demande encore pardon pour tout. »
Ces deux mères blessées doivent leur rencontre à deux sociologues, Isabelle Seret et Vincent de Gaulejac, qui ont l’idée de former un groupe, où se retrouvent des victimes d’attentats et leurs proches ainsi que des parents de jeunes radicalisés. Fatima y est accueillie avec une chaleur qui l’aide à surmonter la honte et la culpabilité. Entre elle et Sophie, le courant passe tout de suite. Il y a tellement de choses qui les rapprochent et leurs larmes de mères sont les mêmes. Ce sont deux femmes libres, qui trouvent dans la beauté de la nature, d’un geste de solidarité ou d’un sourire, une force nouvelle. En mêlant leurs douleurs dans l’unique pétrin de leur amitié, elles façonnent un pain vivifiant.

Jean Bauwin
15/04/2022

Sophie Pirson, Couvrez-les bien, il fait froid dehors… Conversations avec Fatima Ezzarhouni, Mons, Éditions du Cerisier, 2021.

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Deux femmes libres qui trouvent dans la beauté d'un geste 
de solidarité  ou d'un sourire, une force nouvelle.

Liens vers la vidéo :
https://vimeo.com/showcase/7887341
Youtube 
 DSCF3672bis  Interview et célébration : Gabriel Ringlet
Compte-rendu : Jean Bauwin
      Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/
      Photos : Patrick Verhaegen
(15/04/2022)