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ÉDITO
Il dit notamment ceci : « La logique occidentale qui est la nôtre va à l’encontre du dépouillement, puisqu’elle procède par accumulation : on accumule les biens, les connaissances et même les relations, par exemple dans les réseaux sociaux, bien au-delà de ce qui est raisonnable, au-delà d’un réel usage. « Dépouillement » est sans doute un mot qui convient bien à la période de la COVID que nous vivons actuellement et au Carême qui s’ouvre :
Christophe André nous donne 3 conseils de dépouillement :
Pas d’allègement dans cette lettre mais plutôt l’abondance.
Deux textes, enfin, à croiser et à méditer : l’un de Jacques Gaillot sur « l’après et la vie quotidienne » et l’autre d’Amin Maalouf sur « L’après et les dérèglements du monde». Bonne lecture et rendez-vous à la Semaine Sainte, dans la toute nouvelle « Lettre du Prieuré ». Patrick Tyteca NOUVELLES
Lisez plutôt :
C’est évidemment très encourageant. La COVID-19, c’est dur, très dur mais cela nous a contraints à « renaître » au travers de moyens de communication moins fréquents pour le Prieuré. Nous pensons à Internet mais aussi aux capsules vidéo et aux Lettres dont celle que vous êtes en train de lire. Dans le fond, le tout est une question de naissance et d’être capable de re – naissance.
TEXTES À LIRE ET À RELIRE
L’espoir renaît en pensant qu’au cours de cette nouvelle année la vaccination pourra mettre un terme à la pandémie.
Après l’épreuve du confinement, l’absence de contacts humains, la privation de nos libertés d’aller et de venir, de travailler, de faire la fête, nous faisons le rêve qu’un souffle de vie fasse de nous des vivants en liberté. Le rêve de pouvoir dissiper « les ombres d’un monde fermé » (pape François). « Le temps d’après » viendra : il sera remis entre nos mains, il nous appartiendra. Il s’agira d’innover et non de répéter.
Une parole du psaume 89 au verset 12 m’a éclairé pendant le confinement : « Apprends-nous la vraie mesure de nos jours, La vraie mesure de nos jours m’a paru se réaliser de trois façons :
Jacques Gaillot, évêque de Parténia * Le temps d'après... et les déréglements du monde D'où vient notre besoin de rupture, d'un monde d'après ? J'ai grandi dans un pays, le Liban, qui est aujourd'hui au bord de l'effondrement, et dans une région du monde qui était extrêmement prometteuse mais qui est devenue, hélas, calamiteuse. La première phrase de mon essai Le Naufrage des civilisations était : « Je suis né en bonne santé dans les bras d'une civilisation mourante. » Pour moi, il est clair que le monde d'aujourd'hui est au bord d'une crise majeure, et qu'il a besoin d'un sauvetage. Aujourd'hui nous voyons le dérèglement sanitaire, et nous prenons conscience du dérèglement climatique. Mais il y a aussi un très grave dérèglement dans les rapports entre les différentes composantes de l'humanité. C'est vrai au niveau global, où l'on va tout droit vers un affrontement entre les puissances installées comme les États-Unis, et les puissances émergentes, comme la Chine. Et c'est vrai aussi au niveau de chacune de nos sociétés humaines, qui ne parviennent pas à gérer leur diversité. D'où le sentiment que quelque chose de grave va se produire, et aussi ce souhait que l'on puisse, d'une manière ou d'une autre, éviter le désastre. Dans Nos frères inattendus, j'ai voulu imaginer ce qui arriverait si, au lieu de rencontrer un avenir qui ressemble à nos cauchemars, un rencontrions un avenir qui ressemble à nos rêves. Amin Maalouf, écrivain
Dans ce monde confiné, arrivez-vous à percevoir la présence de Dieu ? Parfois, on se demande où il est. Moi, je le sens dans ma prière. Au fond, les périodes de confinement assez dures nous imposent de baisser les masques. On fanfaronne moins, on fait moins semblant. Puisqu'on ne peut plus sortir, on revient à l'essentiel, au foyer, à l'intime. C'est peut-être une chance. Peut-être que j'y vois un peu Dieu... On s'éparpille trop dans nos vies, on essaie perpétuellement de combler le vide. En tout cas, c'est mon cas. Là, on est forcés d'arrêter. Je ne vois aucun message de Dieu dans le virus, mais j'entends cette injonction à ralentir. Léa Salamé, journaliste franco-libanaise (France-Inter et France 2)
Les limites de la nature... (Panorama - 2021) Nous devons respecter, avec l'humilité des sages, les limites de la nature et le mystère qu'elles cachent, en reconnaissant qu'il y a quelque chose dans l'ordre du vivant qui dépasse très évidemment toute notre compétence. Vaclav Havel Le fruit de l'arbre... (Panorama - Janvier 2021) Lorsque tu manges le fruit de l'arbre, souviens-toi de celui qui a planté l'arbre. Proverbe vietnamien AUTOUR DE LA CÉLÉBRATION
Mercredi des cendres – 17 février 2021
* Le dicton Si février a de gentilles filles
Un seul doigt ne peut attraper un pou. (Madagascar) Ces cendres dans mes mains, sur mon front, (Charles Singer)
« Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. » (Mtt 6, 3-4)
Les phrases s’enchaînent, se pressent, s’accumulent. Appels martelés à vivre d’abord sa foi à l’intérieur de soi. Visibilité fustigée de ceux qui tiennent à se faire voir aux carrefours, sur les places publiques et jusque dans les sanctuaires de la prière. Gardez-vous d’attirer les regards. Ne claironnez pas votre charité. Faites l’aumône discrètement... Priez en secret ! (...)
(Antoine Nouis)
Ton père, le voyant du secret. (André Chouraqui)
Fevrier le treshardy je suis, (Calendrier des bergers, XVe siècle)
Seigneur, Accueille le vent : Accueille le feu, Accueille le fleuve, Accueille l’humus : Et bénis cette poussière de vie (D'après Jean-Claude Renard) Rite et action de grâce en mémoire des défunts
Vous avez été nombreux à nous confier le nom d’un en-allé, d’une en-allée. Partie ou parti il y a parfois longtemps. Ou tout récemment. Mais toutes et tous sont nouveaux-morts parce que nouveaux-nés nous dit Sylvie Germain.
Dieu, notre Père, En ce temps d’entrée en carême, C’est pourquoi, *
Envoie sur nous, Père, Que ton Église soit celle de l’Évangile.
* Nous voulons aussi évoquer celles et ceux qui vivaient dans la rue, ainsi que celles et ceux qui ont été emportés à cause du coronavirus. Sans oublier les morts que nous côtoyons dans l’actualité quotidienne ainsi que celles et ceux qui, peut-être, n’ont pas été mentionnés et que nous évoquons dans le secret. * Nous te remercions pour ce qu’ont été ces amis, proches ou plus éloignés, pour les feux qu’ils ont allumés, pour l’amour qu’ils ont partagé. Et lorsqu’à notre tour Alors, parce que nous avons été capables de blottir dans nos bras (Si cette prière circule, et ce sera une joie, merci de mentionner « Prieuré de Malèves-Ste-Marie »).
INTERVIEW
« Aider les proches à pleurer » Le 17 février 2021, lors du Mercredi des Cendres, Les soupirantes devaient rejoindre le Prieuré pour nous aider à faire mémoire de nos défunts. Ce groupe vocal, composé uniquement de femmes, s’est en effet spécialisé dans les cérémonies funéraires. Leur programme ? Se faire « passeur de mots, catalyseur d’émotions, porte-parole d’une assemblée qui cherche à exprimer ses sentiments et son deuil. » Puisqu’un satané virus nous empêche de les écouter, nous sommes allés à la rencontre de Florence Laloy, la fondatrice du groupe. Comment sont nées Les Soupirantes ? Il y a quelques années, avec un collectif d’artistes, nous avions travaillé sur un projet de spectacle qui rassemblait cinq femmes. Il devait s’intituler Les Soupirantes. Le titre est un jeu sur le double sens du mot. Les soupirantes sont celles qui, comme les pleureuses autrefois, soupirent avec les personnes qui traversent un deuil. Mais le mot désigne aussi les prétendantes amoureuses. La mort vous accompagne-t-elle au quotidien ? C’est un sujet qui me touche depuis toujours. Mon premier spectacle, qui s’adressait à des jeunes enfants de maternelle, parlait déjà de la mort et la transmission. Il s’agissait d’un conte qui racontait une cosmogonie à travers l’histoire d’une vache qui perdait ses cornes, son pis et sa tache. Tout cela se retrouvait dans le ciel. La tache devenait un nuage, le pis un soleil, les cornes une lune et la queue une étoile filante. On expliquait à la fin que cette vieille vache était morte, mais qu’en regardant le ciel, on pouvait l’avoir toujours avec nous. On vous sent émue. Cela fait vingt ans que je travaille sur ce thème-là, mais je suis encore émue par le sujet. Travailler sur la mort est une manière de l’apprivoiser, éternellement, jusqu’à ma propre mort. Je pense qu’il est nécessaire d’intégrer la mort et le deuil à la vie. Cette émotion ne vous gêne-t-elle pas quand vous devez chanter ? Je ne pourrais pas chanter pour les funérailles de mes tout proches et je n’en aurais pas envie, parce que je devrais me couper de mes émotions pour être dans un rôle professionnel. Notre place, en tant que groupe vocal, est d’être dans une posture extérieure qui nous permet de ne pas nous laisser prendre par l’émotion qui nous ferait perdre notre voix. Mais notre rôle est d’aider les proches à pleurer. C’est si bon. Si on ne peut pas pleurer à des funérailles, où peut-on le faire ? Je sais que nous ne sommes pas tous d’accord sur ce point dans le groupe, mais je pense qu’on peut choisir des chants tristes, parce que ça fait du bien. Je trouve très bon de laisser sortir ses émotions. Comment travaillez-vous avec les familles ? J’essaie de rencontrer la famille, mais parfois les contacts se prennent par téléphone ou par mail. On échange et on imagine un déroulé de célébration. Si les personnes ne savent pas exactement de quoi elles ont envie, il arrive qu’elles nous laissent carte blanche. Le plus souvent, nous intervenons lors de cérémonies religieuses et alors nous ponctuons le déroulement de la célébration avec nos chants. Vous travaillez toujours dans l’urgence ? Oui, par la force des choses, c’est pourquoi on se voit régulièrement, tous les 15 jours. On organise aussi des week-ends pour approfondir le répertoire. Et puis, nous répétons toujours la veille des funérailles. C’est comme une veillée funèbre que nous vivons en empathie avec la famille. Nous sommes, chacun de notre côté, dans les préparatifs de l’adieu. Symboliquement, nous sommes en veillée commune autour du défunt. Quel est votre répertoire ? Nous avons un répertoire religieux en français, grégorien, vieux slavon, mais nous avons aussi tout un répertoire de chants non religieux en français, anglais, espagnol… Il nous arrive d’apprendre de nouveaux chants à la demande des familles. Je n’ai alors que quelques jours pour réaliser un arrangement à plusieurs voix. Nous le travaillons ensemble, et s’il nous plaît, nous l’intégrons à notre répertoire. Ce fut le cas avec Chanson pour un enterrement de Grégoire, que nous avons beaucoup aimé travailler. Qu’aviez-vous prévu pour votre venue au Prieuré ? Nous avions, entre autres, prévu de chanter Because des Beatles, un chant inca intitulé Hanac Pachap, une composition de ma sœur Geneviève Laloy, Un jour, ou bien encore le magnifique He is gone d’Helen Chadwick. Quel dommage de ne pas pouvoir vous rejoindre, c’est si rare pour nous d’avoir autant de temps pour préparer une célébration. Vous êtes une artiste éclectique. Je fais en effet beaucoup de chant et de théâtre. Je n’ai pas fait d’école de théâtre parce que, comme Obélix, je suis tombée dedans quand j’étais petite. Ma maman fait partie de notre collectif d’artistes. Cela fait vingt ans que nous travaillons toutes les deux et aussi avec beaucoup d’autres artistes. Comment vivez-vous ce temps de la pandémie ? Ce n’est pas facile évidemment, puisque notre métier d’artiste nous offre d’être en contact avec les autres et que c’est interdit pour l’instant. Tout est remis en question, mais en même temps, il y a de très belles choses qui se passent. J’ai la chance d’avoir un jardin et de redécouvrir le contact avec la nature. J’ai fait une formation à la pleine conscience et je me suis remise à l’écriture. Au lieu de courir dans des projets et des productions qu’il faut montrer dans des festivals et faire tourner, je prends le temps de m’ancrer davantage dans le présent. C’est ma résilience. Jean BAUWIN
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