LA LETTRE DE L'AVENT
Sourire trois fois tous les jours rend inutile tout médicament. (Proverbe chinois)
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CHAPITRE 1 : Petites et grandes nouvelles du Prieuré
* Prendre soin
Sans doute ces 2 mots n’ont-ils jamais autant résonné d’actualité qu’en ces temps de pandémie, surtout si le verbe est conjugué à l’impératif. De nombreuses lettres ou salutations se terminent aujourd’hui par cette exhortation « Prenez soin de vous ! »
Ces 2 mots font aussi partie de l’actualité du Prieuré. En effet, à côté de l'École des Rites qui doit ouvrir ses portes en Janvier 2021 si la Covid donne son feu vert, devrait se créer une autre école, celle du « Prendre soin ».
Pour lancer ce projet et en profiler les pierres d’angle, l’équipe du Prieuré avait l’intention, en octobre dernier, d’organiser une table ronde…mais pour les raisons que chacun connaît, cette table n’a pas tourné rond et nous attendons des jours meilleurs pour l’organiser.
Cette table poursuit un double objectif :
- définir ce qu’est le « prendre soin » dans l’esprit du Prieuré. Quel est ce soin auquel nous devons être attentifs et qui, aujourd’hui, est peu pas suffisamment rencontré ?
- réfléchir à ce qui sera proposé de concret, à quels publics dans quel esprit, avec quelle structure, quels moyens… ?
Nous espérons pouvoir passer des intentions aux actes dès janvier 2021.
D’ici là, prenez soin de vous !
* Janvier 2021 au Prieuré... si tout va bien !
Dans les bonnes résolutions à prendre pour 2021, il en est une qui sera sans doute incontournable, celle d’accepter de vivre dans l’incertitude par rapport à ce qui sera possible ou ne le sera pas.
Ainsi, nous vous communiquons le calendrier des activités programmées à ce jour en janvier 2021 au Prieuré…tout en ayant bien à l’esprit qu’un « Comité de concertation - COVID » aura lieu le 15 janvier prochain et que de nouvelles dispositions pourraient y être prises.
Voici le calendrier :
L’École des rites ouvrira ses portes à la mi-janvier : - Groupe A : 2 journées de formation les 15 et 22 janvier. - Groupe B : 2 journées de formation les 16 et 23 janvier.
Quant aux « Samedis », ils accueilleront Véronique Margron, sœur dominicaine, le 30 janvier ; elle abordera le thème de « la présence à la vie bouleversée ».
Selon les rites de début d’année par temps de COVID :
« Recevez nos vœux et prenez soin de vous ».
CHAPITRE 2 : Des textes à lire et à relire
* Incertitude
« En ces temps d’incertitudes et de séparations, où l’on dit que nous sommes en guerre, je repense à mes parents. Eux, en guerre, ils le furent vraiment. Ma mère et mon père se fréquentaient, comme on disait à l’époque. Mon père fut mobilisé estafette à l’état-major du 3e régiment des chasseurs ardennais et le frère de maman au 1er régiment.
Pendant toute la campagne des dix-huit jours, elle fut sans la moindre nouvelle. Elle-même vécut quelque temps dans les bois par crainte des Allemands. Le bruit courait que les chasseurs ardennais avaient subi de lourdes pertes. J’imagine la terrible angoisse qui devait l’étreindre. À la capitulation, toute l’armée fut déclarée prisonnière. Ni mon père ni mon oncle ne se manifestaient.
Heureusement, ils s’étaient échappés. Ils rentrèrent deux semaines plus tard. Quelle joie pour maman quand mon père réapparut en habits civils trop courts, empestant le poisson car il était revenu à l’arrière du camion du poissonnier ostendais qui l’avait caché ! C’est à ce moment je crois qu’elle accepta de parler mariage, car jusqu’alors elle avait été une fiancée un peu rebelle.
Au bout de la détresse, il n’y a pas un simple retour à la normale. Pour nous aussi, il y aura un surcroît de bonheur. »
Armel Job, écrivain.
* Avoir peur...
« J’ai passé ma vie à avoir peur, est-ce que ça m’a empêché de souffrir ? Ça m’a juste empêché de vivre et d’avoir du plaisir. »
(Série télévisée Clara Sheller – 2012)
* Une prise de conscience collective
« Peut-on espérer que cette épidémie, et peut-être les suivantes, nourrissent une prise de conscience collective ?
Chaque crise, qu’elle soit économique ou sanitaire, représente une opportunité. Mon vœu serait que cette épidémie soit l’occasion de renouer avec cette unité de la vie, mais aussi avec la fraternité et le savoir. La fraternité parce que le coronavirus, en nous contraignant à limiter les contacts avec l’autre, nous montre à quel point nous avons besoin de religion au sens premier, c’est à dire de liens. Et le savoir, parce que sans lui, on tombe dans le n’importe quoi. Il n’y a qu’à voir le nombre de fake news qui circule depuis l’émergence du Covid-19, comme celle affirmant que le gel hydroalcoolique est cancérogène. Hélas, quand on voit qui dirige notre monde aujourd’hui, de Trump à Erdogan, de Johnson à Bolsonaro, il n’y a pas de quoi être optimiste. Plus les alertes se multiplient, plus le déni de la réalité semble l’emporter. »
Érik Orsenna
* Douce résistance
Laisser en soi se lever la voile de l'espérance frémir du bonheur de demain s'abandonner à la joie d'être même si l'aujourd'hui nous déçoit. À l'épreuve des heures lestées d'absence de la souffrance qui creuse son lit sans répit laisser le temps faire son oeuvre consentir au lent passage comme aux pleurs. Revenir sans relâche en ce lieu où tout s'allège sans rien attendre que d'être présent à soi glisser dans le silence d'entre les mots prendre soin de ce feu qui embrase l'âme... brûlant toutes nos impatiences.
Marie Cénec, L'insolence de la parole.
* Au coeur de la vie simple
Le Dieu qui nous attend
C'est quelque chose comme ça, le mystère de l'Avent. Non pas l'accueil d'un Dieu venant du ciel qui se propulserait dans l'aventure humaine, mais d'un Dieu « plus intime que nous-même », qui se révèle au coeur de notre humanité. Disons-le clairement : Dieu ne viendra pas. Il ne s'agit pas de l'attendre. C'est lui qui nous attend. Parce qu'Il est là, déjà. Au coeur de la vie simple.
Raphaël Buyse, Au coeur de la vie simple. (La Vie du 3 décembre 2020).
* Si à la place de Dieu
« Si à la place de Dieu, vous mettez nature, énergie... c’est formidable, Dieu. Donc, j’aime beaucoup Dieu, mais j’ai un problème avec son personnel au sol. »
Extrait de Les Racines élémentaires de Coline Serreau : « On a toujours été élevés avec le sentiment que l’égalité, comme la justice, ne se négociait pas », in Le Soir du 10 octobre 2020.
* Souriez, vous vous faites du bien !
Un sourire nous rajeunit, nous embellit, facilite les relations, dégage une bonne image, incite par effet miroir l’autre à sourire aussi. Mais sourire est aussi une source de bienfaits pour chacun. Que le sourire soit naturel ou forcé, il active des muscles sur le visage qui envoient un message au cerveau celui-ci libérant des hormones (endorphines, dopamine) qui provoquent une sensation de bien-être et réduisant la production de cortisol et donc de stress. Sourire serait bénéfique à notre rythme cardiaque et à l’oxygénation de nos cellules et pourrait agir sur notre immunité et sur notre longévité. « Sourire trois fois tous les jours rend inutile tout médicament. » (proverbe chinois) Alors n’hésitez pas à sourire, à vous sourire, vous vous faites du bien et vous en faites aux autres !
* Tisser l'avenir
Plutôt que de disserter éperdument sur ce que les autres auraient dû faire, sur ce qu’ils devraient faire, nous devrions – c’est tout ce qui nous reste – nous demander ce que nous allons faire, nous, à notre échelle bien modeste, pendant ce nouveau temps de confinement qui nous est imposé ; ce que nous allons faire de lui. Travail de « confection » qui peut nous sauver tout à la fois de la critique stérile, de l’angoisse et de l’ennui. Et, plus largement, ce que nous allons faire avec ce temps de désolation multiforme qui est le nôtre. Car ce temps est notre seule matière première à transformer, notre seul grain à moudre, notre seul textile avec lequel tisser l’avenir. En ce nouvel état de siège, il va nous falloir déployer des ressources intérieures, tirer du mâchefer des jours un minerai utile, un combustible insoupçonné. Encore ne suffit-il pas de faire de ce nouveau temps de confinement quelque chose pour notre usage personnel. Une tâche bien plus passionnante nous incombe : en faire quelque chose pour les autres, pour tous, tout spécialement pour ceux que cette épreuve afflige davantage, parce que leur condition matérielle, psychologique et sociale est plus fragile. En effet, si le confinement affecte nos relations sociales ordinaires, il nous invite à être créateurs d’un lien social plus sérieux, plus prévenant, plus fécond.
François Cassingena-Trévedy, Lettre de la montagne aux amis confinés.
* Retour à une vie normale
Au printemps s'était formulé l'espoir d'un monde « d'après ». Aujourd'hui, il semble que nous espérions « juste » un retour à une vie « normale » ?
La vie normale n'est pas une expression qui a beaucoup de sens. Cela impliquerait une norme à partir de laquelle on juge ce qu'est une vie. Or la définition même de la vie n'est pas normative et ne doit pas l'être, sinon on nuit à la plascticité même de l'existence. On a eu besoin et envie de croire à un monde d'après pour se donner du courage dans un confinement dont on ne savait pas combien de temps il allait durer, quelle forme il prendrait. C'était l'une des modalités du combat et du courage que de se dire : les choses peuvent changer. Je suis assez sceptique quant à l'avènement d'un monde d'après. En revanche, je pense qu'il est important d'y croire. C'est une projection utile pour vivre le présent.
Adèle Van Reeth, philosophe et écrivaine. (La Vie du 26 novembre 2020)
CHAPITRE 3 : En avent !
4e dimanche de l’Avent – 20 décembre 2020
À force de repousser son saut, nous risquons de nous enfermer dans une solitude destructrice. (Philippe Cochinaux)
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* Le dicton
Givre d’avant Noël vaut cent écus, Givre de janvier vaut moins d’un denier.
* Le proverbe
L’odeur de l’enfant vient du paradis.
(Proverbe arabe)
* La pensée
J’attends Dieu avec gourmandise. (Arthur Rimbaud)
* Le verset
Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur. Que tout se passe pour moi comme tu l’as dit ! » Luc 1, 38)
* Le commentaire
Il y a mille façons de dire oui : oui, peut-être ; oui, à condition ; oui, à moins que ; oui, parce que ; oui, je pense ; oui et si ; oui et non ; oui, et puis ; oui, mais...
Ce jour-là, ce fut un oui si simple et si confiant qu’il bouleversa Dieu lui-même car ce oui-là allait porter son Fils, l’unique, celui qui, à jamais, transformerait « nos petits oui » en oui d’amour gratuit et définitif. (Mont Falise - Huy)
La proclamation angélique ne laisse pas d’être étonnante : elle mêle la joie, la grâce et la présence de Dieu à Marie. Tous ces thèmes sont codés. Dans l’Ancien Testament, la joie est le sentiment que l’on ressent lorsqu’on prend conscience de l’action favorable de Dieu. La grâce marque la faveur profonde et sans justification que Dieu fait à un homme. Le fait d’avoir Dieu « avec soi » est la marque d’un soutien sans faille qui éloigne toute crainte comme dans le livre d’Isaïe : « Ne crains rien, car je suis avec toi. » (Régis Burnet)
Tout choix est un pari sur le futur. S’engager dans sa vie demande toujours un minimum d’inconscience et d’audace. Nous ne sommes jamais tout à fait prêts. Il y a toujours mille et une raisons qui pourraient nous dire : attends, ce n’est pas encore le moment ; il faudrait d’abord faire ceci et encore cela. Mais à force de reculer son « oui », de repousser son saut dans les choix qui nous construisent, nous risquons de nous enfermer dans une solitude destructrice de ce que nous sommes et avons à être. (Philippe Cochinaux)
* Le poème
Elle devait avoir quinze ans à peine quand son oui a porté l’humanité.
Elle devait avoir quinze ans à peine quand l’Esprit l’a enveloppée.
À nos yeux elle n’eut été qu’une petite Bédouine bonne à photographier. À nos yeux, elle n’eut été qu’une petite gamine délaissant à peine ses jouets.
Elle devait avoir quinze ans à peine quand l’Enfant lui fut donné. Elle devait avoir quinze ans à peine quand Jésus fut en elle enraciné. Nous serions passés sans la voir ou en touristes désabusés : une piécette de pourboire pour se laisser photographier.
Elle devait avoir quinze ans à peine quand son oui est venu nous concerner. Elle devait avoir quinze ans à peine et Jésus Christ entrait en humanité.
(Pierre Griolet)
* La prière
« Marie, ayez pitié de moi qui ne vaux rien !... Ah ! vous aimer, n’aimer Dieu que par vous, ne tendre à Lui qu’en vous sans plus aucun détour subtil ! Et mourir avec vous tout près ! Ainsi soit-il ! »
(Paul Verlaine)
J'attends Dieu avec gourmandise. (Arthur Rimbaud)
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Conception : Gabriel Ringlet Coordination et mise en page : Patrick Tyteca, Patricia Gosset Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé) http://www.pavesurle.net/ Photos : Bruno et Catherine Rotival-Thivent, Prieuré
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