Le Prieuré - Avent 2020 - Lettre N°3 - 10 décembre 2020

Avent 2020 -  Lettre N°3 - 10 décembre 2020 
 
 

LA LETTRE DE L'AVENT

201202 

Jean est la lampe qui brille jusqu'à ce que vienne le soleil.
(Amédée Brunot)

 

CHAPITRE 1 : Petites et grandes nouvelles du Prieuré


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* Même dans le confinement, Noël sera très présent !

Un Noël de rien, et c'est beaucoup.

Covid oblige, il ne sera pas possible de vivre Noël en public cette année, mais le Prieuré Ste-Marie sera bien présent à la Ferme du Biéreau de Louvain-la-Neuve le 24 décembre pour offrir, en vidéo, un « Noël de rien » de derrière les ballots !

Trois mots vont habiter cette célébration de grande humilité : le rien, la joie et le souffle. Trois mots revisités à travers trois contes qui se donneront la main.

Le rien si essentiel pour nous tenir debout. Le rien des discrets, des timides, des humbles, des taiseux, des réservés.

La joie, comme le rien, discrète, ténue, inattendue, légère, et donc forte.

Le souffle, de la première respiration sous les naseaux du bœuf, jusqu’à la dernière quand s’éteint la bougie. Et que dire du souffle dangereux de nos respirations d’aujourd’hui…

 

* Le rite de la rentrée

Voilà déjà plusieurs mois que l’École des Rites du Prieuré aurait bien voulu l’accomplir, ce rite de la rentrée.
Mais la Covid en a décidé autrement.
Depuis, les formateurs révisent leurs copies, les « formés » sont en attente de convocation et les accueillants soufflent sur la poussière qui tombe inexorablement sur les tables.

80 personnes sont sur la ligne de départ attendant les 3 coups, comme au théâtre.
En principe, deux sessions réunissant chaque fois 20 personnes devraient avoir lieu entre le 15 janvier et le 23 janvier 2021.
Pour les 40 autres participants, les formations se dérouleront au printemps prochain.
Apprendre ou réapprendre à célébrer, réenchanter les rites dans l’esprit du Prieuré, tels sont les objectifs de cette Ecole des Rites.

Janvier est le mois des bonnes résolutions…en espérant que la Covid prenne celle qui s’impose !

CHAPITRE 2 : Des textes à lire et à relire


* À chaque battement de nos coeurs vaillants

« Dès l'annonce de la maladie de Hugo, de nombreuses personnes, des proches, mais aussi des gens qui ne l'ont jamais rencontré, des personnes croyantes et d'autres franchement pas, des gens de multiples confessions religieuses, m'ont avoué qu'elles priaient pour lui. Pour sa guérison. Pour nous. Pour les autres enfants malades. Cette compassion universelle et gratuite, cet espoir face à un mal implacable qui foudroie l'innocence m'ont beaucoup touché. Je ne suis pas superstitieux, je ne crois pas aux coups de baguettes magiques et aux guérisons spontanées. Mais ce que j'ai demandé ce soir-là et bien d'autres soirs par la suite, c'est que, si le diagnostic devait malheureusement être confirmé nous tous, médecins et proches, soyons inspirés pour trouver des solutions et guérir Hugo. »

André Füzfa, À chaque battement de nos coeurs vaillants,
Longlier, Weyrich éditions, 2020, pp. 50-51.


* À temps et contretemps

Dans les circonstances ordinaires de l'existence, il nous semble que le temps passe trop vite. À peine un mois est-il commencé qu’on se trouve déjà aux calendes du suivant. Les années filent, la vie nous glisse entre les doigts, on fonce à tombeau ouvert.

Pourtant, si tout à coup, nous sortons de ce flux qui nous emporte, si on nous demande de patienter un peu avant de remonter dans le train fou, nous voilà perdus !  On s’ennuie à cent sous de l’heure, on tourne comme des lions en cage, on broie du noir. Le temps, on se demande comment le tuer !

Nous autres, les humains, nous sommes vraiment des êtres étranges. Jamais contents de notre sort. Fâchés contre le temps qui passe, fâchés contre celui qui ne passe pas.

Armel Job, écrivain.

* Pandémie et pauvreté spirituelle

DSC04544La pandémie a mis en lumière une certaine ignorance religieuse, une pauvreté spirituelle. Certains ont insisté sur la liberté de culte ou la liberté pour le culte, mais peu de choses ont été dites sur la liberté dans la manière de prier. Nous avons oublié la richesse et la variété des expériences qui nous aident à contempler le visage du Christ.
Certains ont même dit que la vie de l'Église avait été interrompue ! Et c'est vraiment incroyable. Dans la situation qui a empêché la célébration des sacrements, nous n’avons pas réalisé qu'il y avait d'autres manières de faire l’expérience de Dieu.
(...)
Pendant la pandémie, un certain cléricalisme est apparu, même via les réseaux sociaux. Nous avons été témoins d'un degré d'exhibitionnisme et de piétisme qui a plus à voir avec la magie qu'avec une expression de foi mature.

Mgr. Mario Grech, secrétaire du synode des évêques. (Octobre 2020)


* Par et pour les autres

Le confinement nous apprend que nous ne vivons pas par nous-mêmes, mais par les autres.
Le confinement nous apprend que nous ne vivons pas pour nous-mêmes, mais pour les autres.          

Nous existons essentiellement dans l’échange. Pourtant, nous l’avions presque oublié. Tout exiger et tout recevoir d’autrui avait fini par nous sembler naturel. Attendre notre pain, notre courrier, l’électricité, l’eau, l’instruction, les soins médicaux, ces évènements s’étaient estompés sous les effets de l’habitude.
Cette soudaine crise souligne notre dépendance, mais montre aussi à quel point cette dépendance est précieuse, tenant du privilège. À l’hôpital, chez l’épicier et à l’école, le dévouement de nos contemporains nous apparaît. Et nous frappe aussi leur patience, leur compétence… Ils nous démontrent que la vie a pour fonction de faire vivre les autres.

Éric-Emmanuel Scnmitt, écrivain.

* Ne parle pas trop

« Ne parle pas trop.
Quand on a reçu le vent,
cela se voit sur le visage ».

Lucien Guissard

 

201205 

Nous sommes enceints... de l'inattendu.
La vie nous creuse de tout ce qui vient.

(Marion Muller-Colard)

* Un sauveur qui déjoue nos attentes

Ce que l'Avent raconte, c'est qu'avec Zacharie, Élisabeth, Joseph et Marie, nous sommes enceints. Nous attendons et ne savons jamais à quoi nous attendre. Enceints de l'inatendu : la vie nous creuse de tout ce qui vient. Arrive toujours autre chose que ce que nous attendions, arrive toujours quelqu'un d'autre. Personne n'attendait un messie qui risque sa vie et nous appelle aussi à risquer les nôtres, convertissant le sens même de la foi. Il ne s'agit plus de nous croire à l'abri de la menace, mais de nous croire capables de vivre avec la menace.
La foi n'est peut-être rien d'autre que notre capacité gestationnelle – notre capacité à naître au risque pour attendre, toujours, quelque chose d'autre que soi-même. Nous n'aurons jamais fini d'attendre un sauveur, qui n'aura jamais fini de déjouer nos attentes. La façon dont il vient nous replonge à la fois dans la précarité et dans la profondeur de nos vies. N'attendons pas d'être à l'abri de tout danger pour être pleinement vivants, sans quoi nous sommes déjà morts, ou bien plutôt pas encore nés.

Marion Muller-Colard (La Vie, 26 novembre 2020).

* Joyeux Noël ?

Ce satané virus a volé des vies par milliers, d'hommes, de femmes, âgés ou plus jeunes. Il a brisé des familles, décimé des maisons de repos, contraint à des départs vers l'au-delà en solitaire. Il a cassé nos relations, nos amitiés, nos amours. Il ne respecte rien, fauche les humains, nous pousse à vivre cloîtrés. Il va aussi nous contraindre à réinventer la fête de Noël. Pourra-t-on se le souhaiter, joyeux, comme avant ?
Noël, c'est la fête de tous et toutes, quelles que soient les convictions de chacun. C'est LE moment de l'année où on se retrouve en famille. Où l'on revoit ce vieil oncle qui sort peu des Ardennes, cette joyeuse tante qui chante à la première coupe, cette grand-mère dont le parfum est notre madeleine de Proust, ce grand-père, bon, droit, aux yeux emplis de bienveillance. C'est la période où les cousins, qui ont tant grandi, et les cousines, toujours plus belles, se revoient. L'un raconte son immersion en néerlandais, l'autre revient de son Erasmus, la troisième hésite encore : droit ou médecine ? On se raconte nos vies, nos petits bonheurs, nos grandes joies, nos drames aussi. Noël, c'est le symbole de la paix, de la vie, de l'espoir. De l'union, des projets, des idées folles.
C'était cela, Noël, avant. Que sera ce Noël 2020 ? Il restera peut-être dans les mémoires comme celui que nous n'avons pas pu célébrer en famille agrandie, mais en famille stricte, décomposée. Mais il permettra peut-être aussi, qui sait, un retour aux vraies valeurs, à cet esprit de Noël, à une pleine conscience de la fragilité des choses, de la vie. Peut-être en reviendra-t-on à une forme de simplicité, loin de la débauche des cadeaux – même si s'en offrir, c'est quand même beau – à un Noël plus authentique. Avec à l'esprit, la conscience que la vie est précieuse, qu'un rien peut nous l'ôter. Que les autres sont le sel de notre vie. Que sans eux, nous perdrons le goût de vivre. Que la vie est belle, quand même, pourvu qu'elle soit partagée.
Noël cette année, ce sera peut-être l'occasion de remettre un peu d'ordre dans les priorités. Placer l'être avant l'avoir. Les relations avant les réseaux, si peu sociaux. Il faudra s'en souvenir quand nous recouvrerons nos chères libertés.
Espérons que ce ne soit pas à la Trinité.

Francis Van de Woestyne, journaliste et écrivain
(La Libre Belgique des 14 et 15 novembre 2020).

 

CHAPITRE 3 : En avent !

3e dimanche de l’Avent – 13 décembre 2020

* Le dicton

L’hiver n’est pas bâtard,
S’il ne vient tôt, il vient tard.


* Le proverbe

Si mon cœur est étroit, à quoi me sert que le monde soit si vaste. (Proverbe d'Arménie)

 
* La pensée

Au-delà du désert, la soif existe encore. (Robert Sabatier)


* Le verset

« Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. » (Jean 1, 6)


* Le commentaire

À l’entrée du désert, les prêtres et les lévites venus de Jérusalem procèdent à un contrôle d’identité. Ils lui demandent : « Qui es-tu ? » Après l’avoir entendu, ils dressent une fiche signalétique à l’intention du pouvoir central :

Nom : Jean
Surnom : le Baptiste
Parenté : fils d’un curé (Zacharie) et d’une parente de Marie (Élisabeth)
Âge :
± 31 ans
État civil : célibataire, pour autant qu’on sache
Profession : débroussailleur
Domicile : désert de Juda
Seconde résidence : Béthanie
Caractère : colérique, gueulard
Signes particuliers : mal rasé, chevelure abondante et sale, genre hippy.

À plusieurs reprises, on devine que le quatrième évangile répond à certains cercles qui mettaient Jean-Baptiste au-dessus de Jésus. Il ne s’agit pas de les opposer (...) Alors l’évangéliste multiplie les contrastes. Jean est le serviteur, Jésus est le maître. Jean est la lampe qui brille jusqu’à ce que vienne le soleil ; Jésus est le soleil. Jean est une voix, Jésus est la Parole incarnée. Jean est l’ami de l’époux, Jésus est l’époux (3, 29). Jean baptise dans l’eau, Jésus baptise dans l’Esprit (1, 33). Jean est envoyé en qualité de précurseur, Jésus en qualité de fils. Jean n’existe que pour témoigner en faveur de Jésus. (Amédée Brunot)


Jean, le poète, fait dire à Jean, l’Évangéliste, à propos de Jean, le Baptiste : « Celui qui me suit me dépasse car il me précédait. » (Jean Grosjean)

 

* Le poème62PSMCT0417 18908R copie

Jean se lève.
Cet homme est gigantesque,
ce visage est une montagne,
ce cri est un réveil.

Cet homme est en feu,
sa bouche est un cratère en fusion,
ses mots brûlent à blanc
comme des charbons au four à pain.
Son geste est une coulée de lave en fusion.
Il est taillé à même
le bloc du rocher.
Ses mains sont deux oiseaux
découpés dans le manteau du vent.
Ses poings se ferment ronds
comme le billot du bois.
Ses grands yeux de ciel
sont griffés de sables,
de becs de soleil,
d’étincelles de colère
et de limailles d’étoiles.

(Jean Debruynne)


* La prière

Souviens-toi, Père,
de tous les Jean-Baptiste d’aujourd’hui.
De toutes celles et de tous ceux qui,
de par le monde,
sont fichés, classés, étiquetés,
cachetés comme du bétail,
interrogés jusqu’à épuisement,
torturés, mis à mort,
parfois, simplement, pour avoir
porté la Bonne Nouvelle aux pauvres
guéri les cœurs brisés
annoncé aux prisonniers la délivrance.

Souviens-toi aussi de celles et ceux qui luttent,
incognito, dans le désert des hommes,
qui indiquent le chemin au plus noir du jour,
qui disent la vérité, même s’ils doivent
affronter les mentalités officielles.
Et que ton Esprit repose sur nous
Que nous ouvrions des chemins de liberté,
que le témoignage de Jean Baptiste,
le précurseur et l’ami de ton Fils,
son cousin et son frère,
inspire notre action et notre prière,
Pour les jours et les jours.

 

201122 

« Celui qui suit me dépasse car il me précédait. »
(Jean Grosjean)

Conception : Gabriel Ringlet
Coordination et mise en page :
Patrick Tyteca, Patricia Gosset
Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/
Photos : Bruno et Catherine Rotival-Thivent, Prieuré

 

 

 
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