Le Prieuré - Avent 2020 - Lettre N°2 - 3 décembre 2020

Avent 2020 -  Lettre N°2 - 3 décembre 2020 
 
 

LA LETTRE DE L'AVENT

 

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Plonger dans le silence du désert.

 

CHAPITRE 1 : Petites et grandes nouvelles du Prieuré


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* Un wok de talents culinaires

L’équipe du Prieuré ne manque pas d’imagination…pour preuve l’idée du « lien gustatif » à côté du lien fraternel, plus connu celui-là.
Ce lien gustatif est un lien parfait puisqu’il met dans la même casserole le « vous » et le « nous » : « faites-vous plaisir et faites-nous plaisir ».
Notre cuisinière, Stéphanie munie de sa fourchette magique, nous emmène faire un tour du monde culinaire : l’Asie, Bruxelles, la Flandre, Liège, l’Italie…

 

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Ce sont des « aller simple » car d’un tel voyage, on garde le goût pour l’éternité.


* Des nouvelles du Monastero di Bose

Fin octobre 2019, plusieurs d’entre nous ont fait la vaisselle à la main, au Monastero di Bose… Inoubliable souvenir ! Faire la vaisselle dans un monastère (mais pas exclusivement) est une activité utile, hautement spirituelle (surtout si on rit) et qui crée des liens. C’est ainsi que, dans la joie et la bonne humeur, nous avions fait la connaissance de Frère Norberto avant de découvrir et d’admirer son travail dans l’atelier de marouflage artistique où il opère à Bose. Pour rappel, le marouflage consiste à fixer une surface légère et peinte (papier ou toile) sur un support plus rigide (un mur, par exemple) à l'aide d'une colle forte dite maroufle qui durcit en séchant. C'est une technique souvent utilisée pour la restauration d’églises anciennes ou l’embellissement d’églises neuves. Norberto Secchi est l’un des rares « orfèvres » européens en la matière. Sa technique de marouflage est brevetée et son talent reconnu en Italie et hors d’Italie, il reçoit des commandes d’un peu partout en Europe. Norberto ne se prend pas pour Michel-Ange, mais il se pourrait que son travail enjambe les siècles lui aussi, qui sait !

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Notizie dal Monastero di Bose

Peu après notre séjour mémorable à Bose (octobre 2019), Frère Norberto est venu en Belgique, via Paris, pour se rendre au Prieuré de Malèves et visiter l’église Ste-Marie. Ce n’est un secret pour personne que le Comité de gestion du Prieuré (on l’appelle COGE) voudrait dès que possible procéder à une rénovation complète de ce bel édifice religieux pour augmenter sa capacité d’accueil, le mettre en conformité avec les normes de sécurité et pour le rendre plus adapté à nos objectifs évangéliques et citoyens. Il était donc bien naturel que nous invitions Norberto à venir y faire un petit tour. Sa visite a été fort instructive pour lui comme pour nous. Des idées ont commencé à germer dans sa tête (et dans les nôtres). Puis, la pandémie est arrivée. Grâce à Dieu, elle n’a pas pu étouffer la flamme, ni l’inspiration de Norberto. Il a beaucoup réfléchi sur la manière de rendre l’espace intérieur de Ste Marie plus beau, plus convivial, plus pratique et plus contemporain. Il a eu quelques belles idées et, comme il vient de nous l’écrire, il en a tracé des esquisses et des dessins qu’il se tient prêt à nous montrer, dès qu’il aura obtenu l’autorisation de son prieur et… des autorités sanitaires anti-Covid. En attendant, Norberto salue tous « ses amis du Prieuré » avant d’aller faire une nouvelle fois la vaisselle quotidienne, car la vie continue à Bose comme ailleurs.

 

* L'ardoise s'élèvera à combien ?

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Le vent a soufflé très fort le 9 février dernier à Malèves au point de faire tomber un arbre sur la Petite Maison du Prieuré et de causer quelques dommages à l’intérieur.
Après de nombreuses palabres tout à fait habituelles en ce genre de circonstances, les travaux de réparation, menés par une entreprise de Limelette ont commencé le 9 novembre soit 9 mois après l’incident ; ils se termineront fin de ce mois.
L’ardoise se montera à +/- 25.000 € qui seront pris en charge par les assurances, la Fabrique d’église de Sainte-Marie et le Prieuré.

9 février au 9 novembre – 9 mois – pour l’accouchement d’un toit 9.

 

CHAPITRE 2 : Des textes à lire et à relire


* Un sentiment nouveau de résistance et de solidarité

J’observe de là où je suis (Italie), que nous sommes comme en état de siège, et qu’il y a un sentiment nouveau de résistance et de solidarité. Pour la première fois de ma vie, l’économie idôlatrée, avec le mythe de la croissance qui l’accompagne, cède le pas sur la protection de la santé publique.

Erri De Luca, écrivain.

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La croissance cède le pas sur la santé publique.
(Erri De Luca)


* Les vertus de l'ennui

« Si seulement nous pouvions saisir le confinement forcé comme une occasion de redécouvrir les vertus de l’ennui, de le goûter, de le laisser faire son œuvre en nous !»

Raphaël Buyse, prêtre, écrivain.

* Ça va être génial

J'ai envie de dire aux vivants : « Ça va être génial, soyons ceux qui ont sauvé la planète. » Nous rêvons tous d’un monde plus simple et plus lumineux. Il faut combattre la violence sans violence. Je crois vraiment qu’on peut faire basculer les choses sans donner de coups de pied, mais avec le cœur en offrande, en délivrant des messages qui conscientisent et qui mobilisent. Nous sommes tous en quête d’un monde plus bienveillant.

Félix Radu, comédien et auteur.
(Interview parue dans Paris Match Belgique, N°1000, 29 octobre 2020).


* Je vis

Je pense au psaume 89 que nous chantons en communauté, certains jours, à la prière du matin.

« Apprends-nous la vraie mesure de nos jours,
Que nos cœurs pénètrent la sagesse »

C’est un appel à vivre le moment présent, ave sa densité, sa nouveauté. Demain sera un autre jour. Dans les SMS reçus, on me posait souvent la même question : « Que faites-vous ? Que faites-vous de vos journées de confiné ? » Plutôt que d’énumérer des tâches banales, je répondais « Je vis ».

Jacques Gaillot

* L'espérance, c'est une décision.

« L'espérance n'est pas l'espoir, ce n'est pas croire que "ça ira mieux demain". L'espérance se vit au coeur du pire. Ce n'est pas un sentiment, mais un acte, une décision qui rejoint les deux autres vertus théologales, la foi et la charité. La foi croît quand il n'y a aucune raison de croire, et la charité aime quand il n'y a plus de raison d'aimer. Espérer, c'est "espérer contre toute espérance", nous dit saint Paul. Cela signifie que nous faisons tout pour que la vie soit encore possible demain, en faisant le pari de la confiance dans nos relations humaines, familiales, professionnelles, communautaires. Ce ne sont pas que des paroles : espérer doit aboutir à des actes. Il nous faut nous engager, faire tout ce que nous pouvons faire pour ouvrir un avenir, en dépit des apparences.

Quand le prophète Jérémie est prisonnier, en exil à Babylone, il veut acheter un champ en Terre promise, pour ceux qui retourneront là-bas (Jr 32). Il sait qu'il ne reverra sans doute jamais son pays : c'est un acte d'espérance pour que d'autres aient des raisons de croire. Pour les chrétiens, l'espérance, c'est faire en sorte que l'épidémie ne nous détourne pas du coeur de notre foi. La messe peut être essentielle, mais pas seulement : la matière même de l'eucharistie, c'est la charité. Messe ou pas, comment nos vies sont-elles ouvertes aux plus vulnérables ? L'espérance, c'est poser des actes pour que le coeur de ce à quoi nous croyons soit honoré. Est-ce que nous voulons des hommes libres et vivants demain ? C'est très concret en temps de crise : ouvrir les écoles pour que les enfants ne soient pas laissés à eux-mêmes, aller voir les plus âgés, autoriser les visites en prison, honorer nos morts...

Ceux qui vivent de cette espérance sont transformés, nous trouvons des ressources que nous ne pensions pas avoir : plus nous cultivons la charité, plus nous approfondissons la foi et l'espérance. C'est aussi risquer un avenir, cela ne doit pas conduire à n'importe quoi : nous devons par exemple tenir nos positions éthiques en temps de crise si nous voulons encore croire à un État de droit demain. En cette période de Covid ou de recrudescence du terrorisme, nous devons être vigilants. Nous ne sommes pas seuls pour espérer. Espérer est un don, un acte de foi, une force donnée. C'est agir sans en mesurer forcément les fruits pour soi-même, ni dans l'immédiat. Ainsi, les femmes se rendent au tombeau, malgré tout, pour embaumer le corps du Seigneur. La contemplation du Christ donne à espérer. Si nous sommes sans force, il peut être en nous ferment d'espérance car il a vécu le désespoir et l'a traversé. Ne craignons pas de lui demander de fortifier en nous l'espérance. »

Soeur Anne Lécu, dominicaine et médecin en milieu carcéral.
(La Croix du 13 novembre 2020).


* À propos du fanatisme

Adrien Candiard montre que si le fanatisme prend différentes formes, il a toujours pour racine une théologie qui écarte Dieu et le remplace par une idole (...).
Suivent une belle réflexion sur ces idoles et leur dangerosité − quelles que soient les religions ou les idéologies − et une audacieuse conclusion sur le fanatisme : celui-ci ne serait plus un excès de religiosité ou de Dieu, comme on l'affirme souvent, mais la marque de son absence que l'on cherche à combler. Où serait alors le salut ? Pas tant dans des processus de déradicalisation, mais dans l'apprentissage de la théologie qui permet de discuter sa foi, dans le dialogue interreligieux et dans la prière. Car dans la prière, assure Adrien Candiard, qui prend ici la voix du croyant, Dieu désarme patiemment les idolâtries, assouplit les rigidités, sape toute suffisance et laisse comprendre à l'homme qu'il est aimé. "Le fanatique ne craint rien tant que le silence de la prière, parce qu'il ne craint rien tant que la rencontre déroutante et transformante" avec Dieu.

Ainsi, conclut le dominicain, "le fanatisme a ses raisons, sa logique, sa cohérence ; et cette cohérence n'est pas celle d'un excès de Dieu, mais au contraire le signe de sa dramatique absence, au sein même de discours pieux".

Recension de Bosco d'Otreppe in La Libre Belgique des 24 et 25 octobre 2020.
« Du fanatisme. Quand la religion est malade ».
Adrien Candiard, dominicain. Les Éditions du Cerf, 2020.

* Les âmes oubliées

En Belgique, les décisions s'enchaînent comme si nous étions surtout et avant tout des consommateurs avides de nous ruer dans les magasins pour y dépenser nos économies. Pour ceux qui en ont. Les fêtes de fin d'année sont l'occasion d'offrir des cadeaux, signes de l'affection, de la tendresse, de l'amour que nous portons aux autres. C'est très bien. Aidons les commerçants locaux. Mais ces fêtes, ne sont-elles pas aussi, un moment de recueillement, de repos, une recherche de sens ?PSM AVRIL 2018 1193
Dans leur communication bancale, les autorités semblent avoir oublié que les femmes et les hommes ne sont pas que des acheteurs. La crise a démontré que la solidarité pouvait sauver des vies sur le plan médical mais aussi sur le plan psychologique. De quoi souffrons-nous ? Des assauts du virus qui blesse et tue. Mais aussi de solitude, d'isolement, de manque de perspective. Pour sortir de cette crise, nous avons tous, aussi, besoin de spiritualité, d'intériorité. Certains pratiquent cet art, ce ressourcement de manière individuelle en suivant les préceptes du yoga ou de la pleine conscience. D'autres ont besoin de la prière et du culte pour se rassembler et communier, c'est-à-dire partager une même foi, une émotion, une ferveur.
Or, pas un mot n'a été prononcé à ce sujet. Nos âmes ont été oubliées. Les évêques français ont obtenu que les églises puissent accueillir plus de trente personnes. En Belgique, elles resteront fermées. On peut comprendre que ces lieux soient contraints de respecter les consignes générales. Mais le mutisme "spirituel" au sujet des églises, des synagogues ou des mosquées révèle une absence de considération à l'égard de ceux qui se nourrissent de ces partages.
La dimension spirituelle, qu'elle soit chrétienne, juive, musulmane ou laïque fait partie intégrante de notre humanité. L'absence de toute référence à ce besoin d'élévation, de transcendance dans les consignes est interpellante. Lors d'un prochain Comité de concertation, les femmes et les hommes politiques seraient bien inspirés de prendre en compte ce besoin de spiritualité.

Francis Van de Woestyne (La Libre Belgique du 2 décembre 2020).

 

CHAPITRE 3 : En avent !

2e dimanche de l’Avent – 6 décembre 2020

PSM AVRIL 2018 0600


* Le dicton

L’hiver est bas
dès la Saint Nicolas.


* Le proverbe

Le paradis est plus près de certains d’entre vous
Que le lacet de leur chaussure.
(Proverbe d'Islam)

 
* La pensée

La fête est toujours derrière un désert traversé. (Charles Singer)


* Le verset

« Alors Jean, celui qui baptisait, parut dans le désert. » (Marc 1, 4)


* Le commentaire

En feuilletant un magazine spécialisé dans la vente et les questions liées à l’entreprise, j’arrive au dossier central qui m’annonce sans crier gare : « Paraître s’impose ». Mon visage, me dit-on, mon corps, mon allure, mon vêtement... joueraient un rôle essentiel dans ma destinée. Plus question d’échapper à « la mise en scène de soi ». « Qu’on le veuille ou non, poursuit le texte, l’apparence a acquis une place énorme : on ne peut plus laisser dire n’importe quoi à son image. » Du coup, je suis invité à prendre contact avec une spécialiste en IB, l’Image Building, qui va construire une « image globale » de ma personnalité.
Je parcourais au même moment les textes liturgiques de décembre et je voyais surgir Jean-Baptiste au désert. Comment est-il apparu ? De quelle manière s’est-il imposé ? Comment son Image Building s’est-elle manifestée ? (Gabriel Ringlet)


En ce jour-là, on buvait et on s’amusait,
et le messager de Dieu s’en fut au désert.
En ces jours-ci, on s’exploite, on se drogue, on se déchire
et pour les hommes la terre n’est plus qu’un désert.

Frère, ne crains pas, plonge-toi dans le silence,
laisse-toi consumer face à face avec Dieu,
car il vient comme un vent d’orient.

Et demain ta sécheresse fleurira
et des hommes s’embrasseront
si tu n’as pas fui leur désert.

(Ghislain Pinckers)

Mais pourquoi aller au désert ? Je vais vous dire...
Au désert, on se rencontre soi-même, d’abord, et on s’aperçoit qu’on fait beaucoup de bruit, tout seul. (...)
Au désert, on rencontre aussi les autres êtres. Une bête, même dans le lointain, remplit le paysage. Une roche semble écouter. L’homme qui arrive porte une intensité dont rien ne le distrait. Au milieu de l’étendue vide, quelle merveille, un homme ! (...)
Enfin, au désert, Dieu est Dieu. Impossible ici de le confondre avec l’argent, les voitures, le confort, tous les dieux de pacotille. (...)
Pourtant, dans nos vies bousculées et bruyantes, nous manquons de désert. Alors qu’allons-nous faire ?
Le désert est peut-être derrière la maison, le long de la rue quand la nuit tombe...
Le désert est peut-être dans un regard croisé tout à l’heure : il y a des hommes qui portent en eux la lumière des grands espaces...
Il nous faut chercher le désert, jusqu’à ce que le désert ait muri en nous. Et nous y entendrons la brise imperceptible de la respiration de Dieu. (Gérard Bessière)


* Le poème

Pauvres moutons
pris entre loups et bergers
Troupeaux guidés un jour
par Noé, Abraham et Moïse
Têtes conduites
par Jésus, Mohamed et Bouddha
Aucun de ces braves éclaireurs
n’a pu sauver votre honneur
sous la menace des griffes
du loup

Toi, chevrette indisciplinée
échappe à leurs enclos
saute de piton en falaise
suis les failles du rocherPSM AVRIL 2018 0512
car les sentiers de ton salut
ne passent sous la cape d’aucun berger

Hypocrites
Laissez les moutons
affronter leur terreur
Peut-être la domestiqueront-ils ?

Tant de voyageurs ont échoué
dans ce désert
pour briser le silence
mais tous ont fini
par s’évaporer
dans la multitude
de ses épaisseurs...

(Hawad, poète touareg de l'Aïr)


* La prière

Dieu vivant,
tu n’as pas fait la vie
pour que la source aille se perdre
dans les entrailles de la terre.

Tu prépares au désert la fleur de demain,
tu laisses au grain le temps de mourir.

Féconde par ton souffle notre terre trop lourde,
fais éclater la vie en notre cœur de pierre.

Alors, la source abreuvera en nous
le germe qui demain donnera son fruit.

Nous te le demandons
Par Jésus, ton Fils, notre Seigneur.

 

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Sauver la planète sans lui donner de coups de pied.
(Félix Radu)

Conception : Gabriel Ringlet
Coordination et mise en page :
Patrick Tyteca, Patricia Gosset
Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/
Photos : Bruno et Catherine Rotival-Thivent, Prieuré

 

 

 
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