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Samedi du Prieuré : Manon Lepomme (07/12/19)

« Pour me faire lever à 6h du matin, pour me rendre dans une église en plus, il faut s’appeler Gabriel Ringlet » dit en riant Manon Lepomme. Cette comédienne, humoriste, liégeoise et fière de l’être, a fait résonner l’église Sainte-Marie de ses éclats de rire et de ceux du public. S’il est vrai qu’on peut prendre soin des autres par le rire, elle a offert aux 150 personnes présentes, une véritable cure de jouvence. Ses trente ans malicieux, sa pétillance et son humour lui permettent de porter un regard léger sur les choses graves de l’existence. On comprend ainsi qu’elle n’ait pas besoin d’aller chez le psy, comme elle le clame dans son spectacle avec lequel elle triomphe depuis trois ans.


Compte-rendu

Le gai-rire

 

Le rire sert à prendre de la distance.

 



S'orienter entre deux verres de péket.

« Je ne savais pas qu’il y avait autant de monde dans les églises », s’écrie Manon Lepomme d’entrée de jeu. Le ton est donné, celui d’un humour qui n’évite pas les petites piques, mais qui est toujours bienveillant. « J’aimerais t’entendre te taire plus de cinq minutes », avait écrit un professeur dans son bulletin. On le comprend, en entendant la jeune femme s’exprimer avec une gouaille toute méditerranéenne. Manon n’a pas changé en grandissant, il faut dire qu’elle a tellement de choses à dire, que ce serait dommage qu’elle se taise. Et en plus, elle le dit sur un ton qui provoque le rire à coup sûr.

Avant de devenir comédienne, elle a étudié les sciences politiques à l’Université de Liège. Une orientation qu’elle choisit, entre deux péquets lors des fêtes d’Outremeuse, un peu par défaut, parce qu’il lui fallait bien un vrai diplôme. Et si elle ne regrette pas ses études, elle prend cependant une autre voie, et décide d’enseigner les langues durant trois ans, avant de ne plus faire que de la scène. Un choix qu’elle ne regrette pas non plus. Seul le contact avec les jeunes lui manque un peu. C’est qu’« au théâtre, comme dans les églises, on ne croise pas beaucoup d’ados » !

Sa vocation de comédienne vient sans doute de son besoin d'être aimée.

Le privilège d’être de Liège

Sa vocation de comédienne vient sans doute de son besoin d’être aimée, de son besoin de vivre un moment unique de partage avec son public. Faire oublier le quotidien pendant une heure et demie, pour que les gens repartent plus légers, c’est son bonheur et sa raison d’être sur scène.

Quand on lui parle de son succès, elle regarde les choses avec distance et relativise : « On a tous un talent. Le mien, c’est la scène. Il est valorisant, mais il ne vaut pas plus que le talent d’un bon plombier. » Elle sait aussi qu’elle doit sa réussite à toute l’équipe qui travaille avec elle dans l’ombre, à ses rencontres qui lui ont permis de gagner du temps et à son public liégeois. « Quand un Liégeois fait quelque chose, tout Liège va le voir », dit-elle avec fierté. Il faut dire que sa ville lui a réservé le titre de citoyenne d’honneur à 29 ans, et qu’elle est la première femme à pouvoir porter l’os de Mati l’Ohé lors des fêtes d’Outremeuse. « Ce privilège a été durement négocié entre deux bières et trois péquets… », raconte-elle. Il y une énergie à Liège qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, et un folklore encore très familial et rassembleur.

Dans son spectacle où elle se raconte, elle évoque aussi des sujets graves, comme la maladie d’Alzheimer de ses grands-parents, ou la vie dans les maisons de repos. Tout cela est tellement déprimant qu’elle prend le parti d’en rire, avec légèreté, sans jamais se moquer, ni accabler ceux qui travaillent dans ces institutions. Quand elle va voir ses grands-parents, elle entre dans le jeu de leur mémoire défaillante et s’invente les vies qu’ils lui prêtent. Ainsi, lorsqu’elle leur présente son compagnon, son grand-père lui demande : « Vous êtes au front ? » « Avec eux, la surprise est permanente », sourit-elle. Par ailleurs, ses neveux, dont elle parle beaucoup et dont elle adore s’occuper, sont nécessaires à son équilibre : « Ça me recentre sur l’essentiel. »

Alléger le tragique de l’existence

Pleurer est aussi nécessaire que rire.

Pour elle qui se définit comme une « athée tolérante », le mot « spiritualité » n’évoque pas grand-chose. Pourtant le regard qu’elle porte sur la vie, sur ses aspects tragiques, qu’elle veut alléger à tout prix, témoigne d’une profonde recherche intérieure. Elle est très sensible et elle pleure souvent, devant le journal télévisé ou bien devant un film. « Ce n’est pas grave de pleurer », explique-t-elle. Pleurer est aussi nécessaire que de rire. Ça fait du bien, ça permet de sortir les émotions qu’on a sur le cœur. Et quand elle voit un enfant se faire gronder en public, ou bien un ouvrier se faire humilier par son patron devant les clients, son cœur se serre : « Pourquoi les gens sont-ils si méchants ? »

Après avoir joué un extrait de son spectacle devant l’assemblée, elle évoque en quoi le rire permet de prendre soin. Ça sert à relativiser, à lâcher la pression, à prendre de la distance et à vivre mieux les choses difficiles.

Dans son spectacle, elle ne cherche pas la performance, ni à faire des vannes toutes les vingt secondes. Elle raconte une histoire, et il se fait que la spontanéité avec laquelle elle la raconte, fait rire. Mais la spontanéité demande beaucoup de travail et de talent. Elle improvise beaucoup, rebondissant sur les réactions du public. Pour qu’un seul-en-scène fonctionne, il faut du rythme. Et tout est une question de respiration. « Quand je respire mal, les gens rient moins. »

Être une femme humoriste peut faire peur aux hommes. « Faire rire les gens est une prise de pouvoir, et les hommes n’aiment pas trop cela », analyse-t-elle. Sa notoriété va grandissant. Six ans après ses débuts au festival de Rochefort, elle y est revenue en tête d’affiche. Depuis qu’elle est programmée en France, elle a de plus en plus de dates en Belgique, comme s’il fallait attendre que la France valide un artiste belge pour qu’on s’intéresse à lui.

Mais depuis que sa notoriété lui permet de s’installer plus confortablement dans le métier, elle a décidé de s’engager à « La Traille » un refuge pour femmes battues. Elle voudrait les aider à traverser leur souffrance par le rire, afin qu’elles non plus n’aillent pas chez le psy ! Quand on vous dit que le rire est un véritable soin.

 

Manon Lepomme est en tournée partout en Belgique avec son spectacle Non, je n’irai pas chez le psy, jusqu’à la fin 2020. Toutes les dates sur www.manon-lepomme.be

Voir plus de photos : https://photos.app.goo.gl/2gyx1ZuCtAVocbin6
Voir la vidéo :

Le rire est un véritable soin.
Son engagement dans un refuge pour femmes battues.

Interview : Gabriel Ringlet
Compte-rendu : Jean Bauwin
Évocation : Florence Vanderstichelen
Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/
Photos : Chantal Vervloedt-Borlée
(07/12/2019)

 ÉVOCATION

Nous te rendons grâce Seigneur
De nous avoir donné le rire
De nous avoir donné de rencontrer Manon
qui aime rire et fait rire
Ça fait un bien fou, ça rend léger
c’est un peu de Divinité

Nous te rendons grâce Seigneur
De nous avoir donné les larmes, les émotions, la capacité d’empathie
avec les mendiants
avec un jeune qu’on humilie
avec une personne âgée, isolée en maison de repos
avec le personnel soignant pressé comme des citrons

Nous te rendons grâce Seigneur
De nous avoir donné à tous des talents
Le talent de la scène pour Manon
Nous te demandons le courage de déployer nos talents avec passion

Nous te demandons Seigneur
De soutenir nos révoltes pour qu’elles se traduisent en actes

Nous te rendons grâce Seigneur
De nous avoir donné la joie, la joie profonde
d’un simple moment en famille
d’une rencontre avec un grand parent attentif, bienveillant, étonnant
La joie d’un partage spirituel,
tonifiant ici au Prieuré
Pour le rire, la joie, la passion, les émotions et les révoltes

Merci Seigneur.

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