Bonnes nouvelles partagées - Synthèse 2018-2019

L’Évangile de Marc et trois auteurs d’aujourd’hui

Relire l’Évangile à la lumière de la littérature, c’est ce que propose le groupe « Bonnes nouvelles partagées ». Au cours de trois rencontres, les participants ont croisé l’actualité de l’Évangile et celles de textes contemporains, ont décelé leurs proximités, et ont partagé leurs découvertes et leurs étonnements.

Les artistes, les écrivains ont des antennes particulières pour capter l’air du temps, le restituer, en faire ressentir les détresses, les troubles et les joies. Un grand roman en dit souvent plus long sur son époque que de longues analyses. Et la force de ses personnages résiste au temps et parle encore aux hommes et aux femmes des siècles plus tard. Ainsi d’Antigone, de la Princesse de Clèves, de Cyrano, de Cosette et Jean Valjean et de tant et tant d’autres… Quant à l’Évangile, il est source d’inspiration inépuisable. Mais d’en écouter la lecture d’année en année, parfois hélas on s’y habitue et on n’en entend plus la force étonnante, l’interpellation radicale. Alors, pourquoi ne pas le relire de manière neuve, en le faisant résonner avec des textes d’aujourd’hui ?

Tel était le projet du groupe « Bonnes nouvelles partagées » qui s’est ouvert cette année. Lors de trois rencontres, les participantes et participants ont mis en parallèle la lecture de l’Évangile de Marc et les textes de trois auteurs contemporains (choisis tour à tour par chacun des animateurs) : « Sur la route de Beit Zera » de Hubert Mingarelli, « Un Jihad de l’amour » de  Mohamed El Bachiri (propos recueillis par David Van Reybrouck) et « La question humaine » de François Emmanuel.

Ils ont appliqué la méthode en vigueur aux tout débuts des « Samedis » où l’Évangile et l’actualité se faisaient écho.

Lors d’un premier tour de table, chaque personne met en relation un verset de l’Évangile et une phrase ou un passage du livre. Tous et toutes écoutent et accueillent la parole de l’autre, sans répondre, sans débattre. C’est lors du second tour de table que le dialogue s’installe à la lumière du thème du Prieuré. Cette année, c’était l’étonnement et les rencontres lui ont fait la part belle. Selon son histoire, sa sensibilité, on reçoit un texte de manières tellement différentes ! La lecture des autres ouvre de nouvelles perspectives, change le regard… Et l’Évangile s’ancre dans le quotidien, donne une autre résonance à des faits d’aujourd’hui. La rencontre se termine par une « évocation » de ce qui s’est dit, sorte de synthèse subjective de la rencontre et invitation à prolonger la réflexion.

Pas question ici donc d’exégèse ni de théologie. Chacune, chacun vient avec son bagage à la rencontre des personnages de l’Évangile et des romans et de leurs voix singulières.

Le roman de Mingarelli (09/11/2018-Evocation) a emmené le groupe sur les routes de Palestine, dans une maison à la lisière ou un vieux Juif seul et amer et un jeune garçon Palestinien seul et silencieux vont peu à peu se rencontrer, s’apprivoiser sous le regard d’une vieille chienne en bout de vie. Lentement, une forme de tendresse va prendre le pas sur la violence et la rancœur. Le Jihad d’El Bachiri (29/03/2019-Evocation) a entraîné le groupe à la suite d’un homme dont la femme est morte lors des attentats de Bruxelles, ce 22 mars que tous et toutes nous avons en mémoire ; il lui clame son amour comme un « Cantique des cantiques » d’aujourd’hui et, par fidélité à ce qu’elle était, refuse de se laisser entraîner dans la spirale de la haine.

Deux rencontres fortes, étonnantes où, de manière improbable, l’amour va prendre le pas sur la haine ce qui fait lire autrement de nombreuses rencontres d’hommes et de femmes avec Jésus relatées par Marc.

Enfin, avec le récit de François Emmanuel (10/05/2019-vocation), le groupe constate jusqu’où peut aller la méchanceté humaine avec trois violences folles : celle, brutale, de l’extermination nazie, celle, insidieuse, de certaines techniques de management et celle, atroce, des enfants qui ont perdu la langue des hommes… La Passion est proche. Mais la Résurrection est elle aussi une folie ! Et la Résurrection, ce sont parfois de petits gestes tout simples qui permettent de croire que la vie peut avoir le dernier mot. Et cette lecture croisée rappelle avec force que Dieu se fait présent précisément aux endroits les plus sombres.

Anne-Marie Pirard