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Messe des Cendres et mémoire des défunts (06/03/19)

Au creux des cendres

IMGP8532Depuis de nombreuses années, le mercredi des Cendres est l’occasion pour le Prieuré, d’évoquer les défunts de l’année écoulée. L’imposition des cendres est une façon de rappeler que la vie est courte, mais c’est aussi un geste de germination. En marquant notre corps avec les semences des cendres de ceux qui nous ont quittés, nous signifions qu’ils continuent à accompagner nos pas et à fleurir notre route.

La célébration, toute empreinte d’émotion, fut marquée par quelques évocations de défunts proches du Prieuré. Le GPS Trio a porté nos prières par des mélodies méditatives et des textes poétiques inspirés des écritures.

IMGP8519« Le jour viendra où le désert refleurira et l’ombre rendra la lumière », écrivait le poète Patrice de La Tour du Pin. L’évangile choisi était celui de Syméon (Luc 2, 25-32), ce vieillard qui blottit l’enfant dans ses bras, comme s’il voulait protéger Dieu de la lumière du temple. Dans son homélie, Gabriel raconte une histoire juive, celle d’un vieillard qui avant de mourir demande qu’on lui mette un peu de sa terre dans ses mains. Il se présente au paradis, mais ne peut y entrer sans ouvrir les mains et abandonner ainsi sa terre d’ici-bas. « Syméon nous indique que pour aller au paradis, il faut tenir l’enfant dans ses bras, les mains grandes ouvertes, conclut Gabriel. Quand nous sommes proches de mourir, en paix ou dans les soubresauts d’une rude traversée, ce dont nous avons besoin, c’est que quelqu’un nous blottisse dans ses bras. Que jamais personne ne s’en aille sans jamais avoir été pris au moins dans des bras, nos bras, vos bras. Blottir l’autre dans ses bras, c’est une manière de vivre et de dire que l’éternité commence quand s’ouvrent les mains, quand se tendent les bras. »

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« Blottir l'autre dans ses bras, une manière
de dire que l'éternité commence »

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« L'ombre rendra la lumière. »

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« Faire grise mine ou jeter
la lumière sur ce qu'on vit. »

HOMÉLIE

J’ai beaucoup d’affection pour Syméon. Depuis longtemps. Depuis très longtemps.
J’ai beaucoup d’affection pour lui à cause de son nom : Shim’ôn en hébreu : Dieu a entendu.
Mais j’ai surtout beaucoup d’affection pour lui à cause de cette image qui ne me quitte pas : « Syméon blottit l’enfant dans ses bras. »
C’est un peu comme s’il le cachait en lui. Comme si la lumière du Temple était trop forte. Comme s’il fallait enfouir la Présentation. Comme s’il importait de protéger Dieu.
Pour tout vous avouer... je me sens un peu Syméon depuis quelques semaines...
Mon dernier filleul, Élie, est né le 15 février, et je le blottis souvent dans mes bras. Et je le contemple à n’en pas finir...
Mais rassurez-vous.
Il y a des Syméon qui durent ! Je n’ai pas du tout envie de m’en aller rapidement, même si mes yeux ont vu le miracle de la naissance.

J’ai beaucoup d’affection pour Syméon, parce que l’Ancien est tout entier tendu vers le Nouveau.
Parce que le vieux est tout entier habité par le jeune.
C’est tellement vrai qu’au moment où il le porte dans ses bras, l’enfant le rajeunit, Syméon, et voilà qu’il se met à chanter : « Maintenant, ô maître, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. »
Où va-t-il, Syméon ?
Et quel est ce ciel qu’il va rejoindre en paix ?
Laissez-moi vous raconter cette petite histoire juive qui dit bien le chemin suivi par Syméon.
C’est un homme qui aimait beaucoup son pays.
Avant de mourir, il demande à son fils de lui apporter un peu de terre afin qu’il puisse la serrer dans ses mains au moment de rendre l’âme.
Et le voilà devant les portes du ciel.
Dieu l’accueille chaleureusement mais lui demande d’ouvrir les mains.
L’homme refuse car il veut emporter sa terre avec lui. Il ne peut donc pas entrer et reste devant la porte.
Peu de temps après, Dieu revient et s’adresse à notre homme comme à un vieil ami : « Allez, viens, il y a une place pour toi, il te suffit d’ouvrir les mains ! »
L’homme refuse encore.
Quelque temps plus tard, Dieu recommence et s’adresse à l’homme en le suppliant : « Tu es bon et tu nous manques ; s’il te plaît, accepte de lâcher ce que tu tiens ! » Et Dieu lui donne le bras pour avancer vers la porte car l’homme, devenu très vieux, a beaucoup d’arthrose. Au moment où il arrive devant la porte, il est tellement épuisé que ses forces l’abandonnent et qu’il ne parvient plus à tenir ses mains fermées. Elles s’ouvrent et la terre commence à couler. Et au même moment, les portes du paradis s’ouvrent devant lui. Et la première chose qu’il voit... c’est son pays tant aimé.
J’ai beaucoup d’affection pour Syméon parce qu’il nous indique que pour entrer au paradis, il faut tenir l’enfant dans ses bras, les mains grandes ouvertes.
Et que blottir l’enfant dans ses bras, c’est l’affaire d’une vie entière, et que c’est particulièrement important quand la mort est là.
Comment vous dire ?
Au fond, c’est tout simple.
Quand nous sommes proches de mourir, parfois dans la paix et parfois au terme d’une rude traversée, parfois tout petit et parfois très vieux... ce dont nous avons le plus besoin, c’est que quelqu’un nous blotisse dans ses bras.
Si je devais formuler un souhait, un seul souhait, c’est que personne sur cette terre ne s’en aille sans avoir été pris, au moins une fois, dans des bras.
Dans nos bras.
Dans vos bras.
Ce devrait être un engagement que chacune, que chacun nous prenons.
Oh, je sais que parfois la mort vient mous prendre par traîtrise.
Mais justement...
Ce n’est qu’une affaire de dernière minute.
« Blottir l’enfant dans ses bras »...
Blottir le blessé dans ses bras...
Blottir le découragé dans ses bras...
Blottir le très âgé dans ses bras...
... c’est une manière de vivre... et de dire et de montrer que l’éternité... elle commence quand s’ouvrent les mains, quand se tendent les bras et quand ils se rapprochent pour bercer et pour contempler.
Amen.

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Célébration et homélie : Gabriel Ringlet
Musique : GPS Trio
Récitante : Sylvie Rigot
Texte : Jean Bauwin
Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/
Photos : Patrick Verhaegen

(06/03/2019)

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