Samedi du Prieuré : Philippe Lamberts (05/05/18)

ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Philippe Lamberts : Le souffle du rameur

 

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« Là où règne le dieu Argent, tout est compté. »

Philippe Lamberts, eurodéputé Ecolo, était l’invité du Prieuré ce samedi 5 mai 2018. Avec la force de conviction qui l’anime, il a expliqué ce qui lui donnait le souffle nécessaire pour ramer à contre-courant dans une société minée par le dieu Argent. 

 

 

 

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Ce qui met Philippe Lamberts en colère et en mouvement, c’est le sens de l’urgence. L’humanité touche aux limites de son cadre physique. Ce qui se joue en ce moment, c’est la survie de l’espèce humaine. Si on suit la logique de l’argent roi, les plus riches finiront par considérer que le reste de l’humanité n’est rien d’autre que des bouches inutiles à nourrir. La dictature du profit à court terme est un système qui tue. Aujourd’hui, l’humain est au service d’une économie qui est au service de la finance qui, elle-même, est au service de quelques-uns.

Face aux défis majeurs, comme celui du réchauffement climatique, il y a deux attitudes : « soit je baisse les bras parce qu’il est trop tard et alors effectivement, il sera trop tard ; soit je me retrousse les manches, je travaille et je me donne une chance, au cas où il ne serait pas trop tard, de sauver la planète. » C’est évidemment cette seconde option qui est la sienne.

Il a très tôt le goût de la politique, l’envie de changer le monde et de convaincre les autres. S’il fait des études d’ingénieur civil en mathématiques appliquées, ce n’est pas pour faire carrière dans ce domaine, mais se donner un bagage, un passeport qui lui permettra d’être écouté. C’est pour la même raison qu’il garde le costume cravate, cela lui permet d’être écouté par des gens qui ne l’écouteraient pas, s’il avait le look bohème écolo.


« Soit je baisse les bras parce qu'il est trop tard, soit je me retrousse les manches et je me donne une chance. »

Il commence à travailler chez IBM, une multinationale qui avait bonne réputation. Mais il vit la mondialisation néo-libérale de l’intérieur et constate qu’au fil du temps, il devient un rouage d’une machine, et qu’il devait tourner comme la logique de la machine le demandait. « Exécute, sinon tu seras exécuté. »

S’il se dirige vers le parti Ecolo, c’est parce que c’est le seul qui pense l’avenir à long terme, qui a une conception de l’humain qui dépasse le matériel et qui a le fonctionnement interne le plus démocratique.

 

 

Avoir une boussole solide.
Avoir des convictions fortes.

Une boussole solide

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Pour tenir en politique, il faut avoir des convictions fortes, avoir une boussole solide. Pour lui, ce sera l’article premier de la déclaration des Droits de l’homme. Ce qui lui donne du souffle, c’est l’indignation contre ce qui écrase l’humain et puis les encouragements de ceux qui disent se reconnaître dans ses prises de position.

Depuis 2000, il passe tout l’été à Taizé. La politique est une passion dévorante, il tient donc à se ménager des temps de pause et de ressourcement. « Dieu, je ne sais pas qui il est, dit-il avec beaucoup d’émotion. Ma foi est du ressort de l’intuition, pas du savoir. » Ce que Dieu nous apprend, c’est à avoir confiance en ce qu’il y a de meilleur dans l’être humain. « À Taizé, je trouve l’expression la plus concrète et la plus simple du choix de la confiance en l’homme. C’est un lieu incarné, enraciné dans le monde et une communauté qui est à la pointe du combat pour la dignité humaine. »

Il ne voit pas pourquoi il s’interdirait de parler de ses convictions religieuses. On ne peut pas défendre la liberté d’expression et demander aux hommes politiques de taire ce qui les anime spirituellement. Il combat donc une conception éradicatrice de la laïcité. Si certains ont voulu inscrire les racines chrétiennes dans la constitution européenne, c’est parce que celles-ci ne se sentent plus dans leur action. Si on vit de l’Évangile, si on l’incarne au quotidien, on n’a pas besoin de l’inscrire sur son front. Ceux qui n’arrêtent pas d’en parler, sont ceux qui, précisément, défendent la mondialisation néo-libérale qui écrase l’humain.

Il défend aussi la cohérence entre le dire et le faire. Tant d’hommes politiques disent et font le contraire, en se cachant derrière la complexité du système politique. L’Europe est devenue un écran politique derrière lequel on se cache pour mener des politiques contre l’intérêt général : « Je n’y peux rien, c’est la faute de l’Europe. »

 

Des élus ont une colonne vertébrale. D'autres n'en ont pas.

Pédagogue du changement

Pour changer le monde, il ne veut pas d’une insurrection violente. Avec son parti, il prend l’option d’une action non violente. Si on veut amener un changement profond, il faut amener des rapports de force à l’intérieur du cadre institutionnel qui existe. La désobéissance civile a déjà montré son efficacité, comme à Notre-Dame-des-Landes tout récemment. Pour cela, il voudrait être un pédagogue de la transformation de la société. C’est ainsi qu’il se bat pour la transparence bancaire et crée un site www.pechesbancaires.eu/la-meteo-des-banques qui se veut un outil pédagogique pour mesurer le degré de moralité des banques en Belgique.

La démocratie est aussi à réformer. Le pouvoir est aujourd’hui dans les mains d’une classe politique, ce qui est antinomique avec les principes de la démocratie. Cette élite saurait mieux que le peuple ce qui est bon pour le peuple, et elle cherche à obtenir les suffrages de celui-ci. Il rejoint la vision de Sandra Laugier et Albert Ogien dans leur livre : Pourquoi désobéir en démocratie ?

Sur la question des migrants, il regrette que ce soit l’extrême droite qui donne le ton dans le débat. On a peur de prendre des décisions qui renforceraient le vote pour l’extrême droite. C’est donc elle qui décide. Philippe Lamberts ne veut pas simplifier un débat complexe, mais il est convaincu qu’en rendant l’immigration plus difficile, on ne la diminue pas, on fait juste les affaires des passeurs qui augmentent leurs tarifs. Si on mène des politiques d’exclusion à l’intérieur de son pays, on s’autorise à faire pareil vis-à-vis des migrants. Si on pratique des politiques de solidarité sociale à l’intérieur, on peut aussi en mener vis-à-vis des migrants. Voilà son credo.

 

Où est Philippe ? Photo de groupe de mandataires Ecolo.

Interview : Bernard Balteau

Texte : Jean Bauwin

Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/

Photos : Chantal Vervloedt-Borlée

(05/05/2018)

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