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Jeudi Saint 2018 : Brigitte Fossey

ÉCHOS DE LA RENCONTRE

 

LE SOUFFLE DU JEUDI

Comme le Zéphyr dans un silence

Un Jeudi Saint avec Brigitte Fossey

 

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Brigitte Fossey, devenue célèbre dès l’âge de cinq ans grâce au rôle de Paulette dans Jeux interdits, a illuminé le Prieuré de son sourire. En ce Jeudi Saint où l’Eucharistie s’enracine dans le lavement des pieds, elle a redit combien les « grands pauvres » font progresser l’humanité.

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Brigitte Fossey se souvient de son enfance passée à Tourcoing comme d’une fête quotidienne, d’un émerveillement qui durait jusqu’au soir, jusqu’au moment de la prière. Sa maman et elle rendaient grâce, avec les mots de François d’Assise, pour la beauté du jour. Elles s’émerveillaient de tout ce qu’elles avaient vu de neuf durant la journée. « C’était la rencontre de nos deux âmes autour du merci et de la célébration de la vie », dit-elle.

Jeudi Saint 2018 0256Apprendre était pour elle une jubilation. Ses parents la faisaient vibrer en chantant les tables de multiplication ou les conjugaisons. Tout devenait jeu. Elle adorait apprendre par cœur, parce que « ça reste dans le cœur jusqu’à la mort », dit-elle. Les religieuses du Nord qui lui donnaient cours étaient extraverties et pleines d’humour. L’une d’elle lui appris le verbe être avec une frénésie théâtrale. Et voilà Brigitte Fossey qui mime pour nous l’enthousiasme avec lequel elle donnait la leçon : « C’était un cours de philosophie et de joie de vivre. En récitant le verbe être nous surgissions du néant, nous apprenions à être. »

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Apprendre par coeur, ça reste dans le coeur.

Sa vocation de comédienne lui vient de sa fréquentation de grands textes, de sa passion pour le verbe. Elle se souvient aussi d’un poème de Victor Hugo que sa maman récitait avec un rythme de cadence des flots. Lorsqu’elle l’a repris elle-même plus tard, elle s’est retrouvée elle aussi emportée par la vague de ce texte.

Quand elle est sur scène, elle entre dans l’éternité, dans un temps hors du temps, suspendu autour du verbe, elle devient le véhicule du texte. La vie éternelle ? « On est déjà dedans, répond-elle, on la fabrique aujourd’hui : un présent plus un présent… »

Jeudi Saint 2018 0324La joie de vivre dont elle rayonne est aiguisée par les rencontres de la vie, cela permet de marcher dans le quotidien de façon plus légère. Elle cite notamment Marie Cénec, pasteure protestante (invitée du Vendredi Saint au Prieuré). Elles ont écrit un livre d’entretiens ensemble : La passion du verbe - Regards de femmes. Cette pasteur a le sens de la poésie et a enrichi sa lecture des textes bibliques.

Une comédienne passionnée par l’humain

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La célébrité, une grâce accaparante
lorsqu'on est avec des proches.

Dans Le Grand Meaulnes, tourné en 1967, elle interprète le rôle d’Yvonne. Elle aime cette histoire où les héros restent proches de la nature, de la terre et vivent au rythme des saisons. Augustin Meaulnes rêve d’étreindre l’absolu à travers Yvonne dont il est amoureux et qu’il a portée au statut de sainte. Mais Brigitte Fossey lui préfère le personnage de François Seurel qui semble plus doué pour le bonheur parce qu’il accepte les gens comme ils sont et parce qu’il a compris que l’absolu ne s’étreint pas, il se cherche indéfiniment.

Jeudi Saint 2018 0389Le travail d’acteur est un travail souterrain, on se replie sur soi-même lorsqu’on couve un rôle, mais c’est un métier qui fait réfléchir sur la nature humaine. Elle aime interpréter des personnages qui ont existé. Elle a autrefois incarné le personnage de Mme Caillaux qui avait tué le directeur du Figaro pour protéger la carrière de son mari et retrouver son amour. Au-delà de la meurtrière, elle a tenté de comprendre comment elle en était arrivée là. « Tous les monstres sont en nous, dit-elle, et le travail de comédien permet de les découvrir et de les expérimenter. »

La célébrité, elle la vit comme une grâce : « Je suis l’amie de tout le monde. Les gens viennent me parler sans me connaître et remettent dans mes mains des choses essentielles, dans un partage immédiat. Ces rencontres sont intenses, magnifiques et bouleversantes. » En même temps, à certains moments, cette célébrité peut devenir accaparante, surtout lorsqu’on est avec des proches.

« La foi, c’est le chemin 

Les questions éternelles l’habitent très tôt. Quand elle entend l’évangile de Jean à la messe, elle ne comprend pas tout, et pose beaucoup de questions à son papa. Le prologue de Jean est sa petite madeleine à elle : « Je me souviens de la lumière de ce texte que j’ai reçue et qui m’a imprégnée, sans que je le comprenne. »

Jeudi Saint 2018 0275La foi, c’est le chemin, c’est marcher, c’est un exercice quotidien qui se pratique en lisant les grands textes, les psaumes, les vies de saints, ou en parlant à Dieu. La foi se nourrit de la poésie de la Bible, une poésie qui retourne à la source. Vivre, c’est un métier, c’est faire un effort, c’est retourner la terre. Les paysans seuls savent vivre, et elle se sent paysanne. Mais, souvent, on se laisse accaparer par son agenda. Il faut résister pour revenir à l’essentiel, trouver du temps pour voir ceux que l’on aime, ménager des trêves où l’on peut se préoccuper des questions éternelles.

180329Ménager des trêves.

Brigitte Fossey a beaucoup d’admiration pour le père Wresinski, le fondateur d’ATD Quart-Monde. Il donne la parole aux « grands pauvres », crée pour eux des bibliothèques ou des salles d’ordinateurs, parce que leur dignité est de pouvoir participer au monde. Leur témoignage fait progresser l’humanité. Apporter la culture au cœur de la plus grande des misères, c’est donner l’accès à la beauté. On a oublié que le fait de donner est un privilège. Quand on n’a rien à donner, c’est pire que de n’avoir rien à manger.

Victor Hugo à qui elle a consacré son dernier livre, « À la recherche de Hugo », compte beaucoup pour elle, c’est un grand mystique, un homme qui a vu juste dans tous les domaines, qui était très concerné par les droits de l’homme et qui s’est révolté contre le travail des enfants. « Cet homme est un flambeau. Il nous guide par ses combats et nous porte par ses besoins d’utopie, de justice et de paix. » En dressant son portrait, c’est le sien qu’elle trace aussi en filigrane.


 

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Brigitte, "petit pont" en anglais :
donner accès à la beauté.

Interview : Gabriel Ringlet

Texte : Jean Bauwin

Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/

Photos : Bruno Rotival

(29/03/2018)

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