Samedi du Prieuré : Isabelle Eliat (25/11/17)

ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Isabelle Eliat : Comme des croisements de chemins

 

Isabelle Eliat était au Prieuré ce samedi 25 novembre 2017.

« C'est toujours son coeur qui parle. »

 

« Niveau de vie. »

Des chemins d’apprentissage

Née dans une famille francophone à Gand, Isabelle Eliat se retrouve seule à parler le français à l’école où elle suit ses études.
C’est déjà là qu’elle découvre de l’intérieur, et en la vivant, la question de l’autre dans sa différence. Étant minoritaire dans son environnement scolaire, elle observe en les vivant, tous les préjugés qu’on se forge sur l’autre tant qu’on n’a pas appris à le connaître.

Toute jeune, Isabelle perd son papa qui exerçait la fonction de Juge. En plus de la perte d’un papa, la famille est appelée à vivre plus modestement avec des revenus rabotés.
Elle voit cependant ce changement social comme quelque chose de positif et découvre rapidement qu’on peut être plus libre et heureux avec moins.

Vient alors, le déménagement vers Wavre. Isabelle a 12 ans et sa maman répond à un appel pour accueillir des migrants qu’on nomme à l’époque les “Boat People”. Cette expérience lui montre que “se faire bousculer peut apporter le bonheur et surtout que plus on partage, plus on a.

C’est de cette époque que lui vient le goût de “ traverser les frontières humaines pour pouvoir fraterniser et découvrir comment est l’humain chez l’autre. “
Approfondir aussi ce qu’elle pressentait : “On est frères mais comment l’est-on vraiment ?” Et surtout expérimenter cette fraternité au plus profond.

Elle passe une année aux États-Unis et c’est le contraire qui lui saute aux yeux. Elle ressent autour d’elle une très grande volonté d’assimilation. C’était loin d’être une volonté de fraterniser mais bien plus d’englober : tenter de faire que l’autre se mette à ressembler à tout le monde. À s’intégrer dans tous les sens du terme. Elle sent très vite que cela ne correspond pas aux chemins qu’elle veut parcourir.

C’est alors que lui vient l’envie d’aller vers le Sud.
Elle entreprend des études d’infirmière pour “pouvoir voyager” et diplôme acquis, elle part avec une amie comme volontaire en Haïti.
C’est un plongeon plein de difficultés et d’incompréhensions car ce n’est pas tout à fait le travail tel qu’elle l’imaginait. Il lui faut accepter la différence des Haïtiens, des sœurs indiennes qui avaient des visions différentes de prendre soin de l’autre.
Elle apprend cependant au fil des jours “la force de la présence et de l’amour”.
Elle en revient très malade mais pas dégoûtée avec en tête des “couleurs, des sourires et surtout une image forte de la Beauté”.
Pour pouvoir entrer dans quelque chose de plus structuré, elle entreprend alors des études de médecine tropicale et puis se rend au Rwanda en 1988.

 

« On se porte l'un l'autre. »

 

Des chemins de fraternité à construire

Elle se retrouve là-bas infirmière dans un centre de Santé à la frontière du Burundi à 70 km d’un hôpital. La campagne et la beauté des “collines” après la ville.
Son travail, c’est tout ce qui touche à la médecine : accoucher, arracher les dents, soigner les maladies et les blessures...

C’est là qu’elle rencontre Bruno qui deviendra son mari.
Depuis lors , “ils se portent l’un l’autre” déclare-t-elle dans un grand sourire.
Avec lui, elle s’installera dans la petite ville de Guitarama où ils accueilleront des enfants des rues. Cela les amènera à créer un “Bureau Social” dans le but d’aider les gens” hors du caritatif” pour leur permettre de construire leur propre vie et de se tenir debout par eux-mêmes.
La pauvreté matérielle est une conséquence mais pas seulement d’un problème matériel. La pauvreté a quelque chose à voir avec la façon dont la personne se regarde avec son besoin d’exister, d’avoir sa dignité. Si la personne vient avec une demande et qu’on lui donne tout, on n’a rien changé à son regard sur elle-même. Cela ne l’aidera pas à se mettre debout, à se mettre en route et à faire lui-même son premier pas pour devenir un homme digne.

Le génocide du Rwanda la pousse à approfondir cette question fondamentale des racines et du mécanisme de la violence. “Avant de se poser la question: “Qui sont les bons, qui sont les mauvais ?”, il faut d’abord comprendre ce qui mène à la violence. On peut voir la violence quand elle éclate. Mais avant une guerre et un génocide, il y a beaucoup de questions à se poser. Ça va très vite. Il y avait des crises sociales ou économiques, il y avait une surpopulation et donc moins de terres disponibles, une mauvaise saison. Beaucoup de frustrations d’un peuple. C’est à ce moment-là qu’on cherche à se protéger. Chacun devient alors comme une éponge face à des discours qui prônent la division, le repli sur soi. Cela commence par une information “Tu es ceci ou cela” puis cela devient une position intérieure avec l’injonction de se protéger et l’autre est vu comme un problème. Il est même confondu avec le problème.

Il y a alors le retour en Belgique non pas à cause des événements qui se préparent au Rwanda mais parce qu’Isabelle est malade et enceinte.
Retour donc à la case départ : la maison de maman.

Après la naissance du bébé, Bruno et Isabelle ne veulent pas s’installer “quelque part, n’importe comment”.
Ils établissent leurs priorités de choix d’un lieu et d’un mode de vie.
Là où ils s’installeront, ce sera un lieu proche de la nature, un endroit où peut se vivre l’accueil avec une dimension spirituelle.
Ils trouveront ce lieu à la colline de Penuel où Isabelle, Bruno et leurs quatre enfants vivront pendant douze ans réalisant, au quotidien, les priorités qu’ils avaient définies comme choix de vie.

 

Des chemins de pèlerinages

« En se laissant accueillir au cours du chemin. »

En 2000, année du Jubilé, la petite famille se met en route avec âne.
Destination Rome en partant de Gênes pour “prendre le temps ne pas semer, de ne pas être efficace pour se rapprocher cœur à cœur des humains”. Dans l’esprit du Jubilé que Bruno avait étudié à travers la Bible et la tradition.

En 2005, toute la famille “se sent appelée à autre chose”.
Elle va s’installer pour un an dans un village en Syrie - appel de l’Orient et du Maghreb - dans un paysage biblique pour permettre aux enfants de pouvoir prendre du recul par rapport à notre société et toutes ses injonctions qui peuvent être très inconscientes si on ne s’en extrait pas de temps en temps.
Et partager aussi la vie simple des gens dans un grande et humble fraternité en participant aux travaux agricoles ou autres.

Après le retour de Syrie où la guerre a éclaté, Bruno et Isabelle accueillent des jeunes musulmans au cœur de la famille.
Isabelle est interpellée par les murs invisibles qui s’érigent autour de nous dans nos sociétés. Accueillir l’autre, l’étranger, c’est pour elle “aimer l’autre comme ses propres enfants et voir le monde à travers eux”.

En 2014, elle repart seule vers Assise, vers saint François, pour “se purifier le cœur et se désencombrer”. Elle veut comme ce “frère de cœur” pratiquer au cours du chemin “l’écologie, la pauvreté, la joie et une manière fraternelle de rencontrer l’autre en se laissant accueillir ”.
Elle se met en route d’abord à vélo et puis à pied en demandant l’hébergement, dans les mosquées rencontrées en chemin, et l’hospitalité qui est un des piliers de l’Islam.

« Transformer nos murs en passerelle. »

 

Les chemins ouverts au “souffle” de la Vie

Les rencontres sont pour elle un “programme de vie” qui inclut soi et l’autre dans une relation foncièrement non-violente. “Oser la relation” n’est pas pour elle un vain mot. “C’est une affaire de partage des cœurs où chacun est appelé à tout mettre en œuvre pour mettre les cœurs à niveau. Le travail de conversion c’est de retrouver la vie et le souffle, vivre et aimer. Transformer les murs en passerelles, devenir pauvre pour pouvoir recevoir et ainsi entrer en relation.

Un petit bout de papier qui l’a suivie partout d’Haïti au Rwanda, un texte comme une “profession de foi” qu’elle a gardé et qui a toujours guidé ses pas. C’est sans doute ce texte qui a donné le souffle du départ à toute la vie d’Isabelle Eliat et le cap qui lui a permis de rester fidèle à sa quête de “pérégrine” vers l’autre au cœur de sa différence qui, seule, permet “rencontre, partage et échange vrai”.

 

 

 

 

 “Je veux vivre d’Amour
Vivre Amour
Aimer toute vie parce qu’elle est Vie
Aimer au delà de ma compréhension
parce que l’Amour est plus grand que tout
et je veux moi aussi y vivre ma part

 

Pour Isabelle Eliat, c’est toujours son cœur qui parle et qui appelle. Elle éprouve tellement de bonheur dans les choses toute simples, dans les contacts directs avec tous, avec la Vie. Ce qui suppose constamment un mouvement et des rencontres. Elle aime beaucoup la notion de fécondité. “Pour féconder, il faut des rencontres profondes avec la différence. Et plus qu’une rencontre une fécondation. Il faut se frotter à cette différence, il faut la vivre au plus profond.”

C’est ce souffle qui pousse Isabelle Eliat sur tous les chemins divers qu’elle emprunte.
C’est ce souffle qu’elle nous a partagé pour que son cheminement nous soit fécond au cœur de nos sentiers au quotidien.

 

Isabelle et Bruno

Interview : Jacqueline Delcorps-Renaer et Caroline Valentiny

Texte : Christian Merveille

Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/

Photos : Nadine Merveille-Brosteaux

(25/11/2017)

 

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