Samedi du Prieuré : Anne Pardou (14/10/17)

ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Anne Pardou : « J’ai passé ma vie à soutenir des souffles défaillants ! »

Anne Pardou, néonatologiste, était au Prieuré ce samedi 14 octobre 2017. Elle qui a accompagné tant d’enfants nés trop tôt, elle a parlé du souffle de vie qui habite l’enfant prématuré et du souffle qu’il faut aux soignants et aux parents pour accompagner ces tout-petits.

Du souffle pour accompagner ces tout-petits.

 

Son papa l'avait emmenée sur son dos
pour observer une comète.

Anne Pardou est devenue médecin à une époque où peu de femmes faisaient ce métier, et néonatologiste à un moment où tout était à faire. Pourtant, elle a hésité avant de choisir d’étudier la médecine. L’astronomie la tentait bien. Il faut dire qu’une nuit son papa l’avait réveillée pour l’emmener sur son dos, en pleine campagne, pour observer une comète. C’est le genre d’expériences qui marquent un enfant. Mais une amie de sa maman était pédiatre et ce métier l’impressionnait. Elle choisit donc la médecine et la néonatologie qui n’en était encore qu’à ses balbutiements. Elle se retrouve là au plus près du mystère de la vie.

La médecine est à la fois un art et une science, mais pas une science exacte. Comment prédire le futur d’un petit qui fait à peine 700 gr à la naissance ? Elle se souvient de deux petites filles nées pratiquement en même temps : Margaux et Margot. Elles pesaient toutes les deux 900 gr. Quand Margot est née son papa a dit : « Vous pouvez la jeter à la poubelle ! » Elle était le troisième enfant d’un amour qui se terminait. Pour Margaux, la situation était toute différente, elle était entourée par ses parents avec beaucoup d’amour. La première n’a pas survécu et la seconde est aujourd’hui une belle femme de 25 ans.

« J’ai été éduquée pour aller voir ailleurs », dit-elle en souriant. Lorsqu’elle fait des stages en Angleterre, elle compare la façon de travailler là-bas avec celle Paris. Les règles, en matière d’hygiène par exemple, sont tout à fait différentes. Elle apprend, relativise et innove. Si elle accepte le poste de chef de service, c’est pour pouvoir faire passer ses idées. Elle se heurtera cependant souvent à la résistance aux changements et au temps particulièrement long que mettent les études à produire leurs résultats. Elle apprend, sur le tas, comment doser les médicaments, comment ventiler un enfant avec des appareils de plus en plus adaptés à l’enfant, comment alimenter le bébé, etc.

 

 

Des sons à sens

La maman oiseau parle à son oeuf.

Elle prend conscience que le fœtus entend et ressent toute une série de bruits qui font sens pour lui : le rythme cardiaque de sa maman, ses borborygmes intestinaux, le flux sanguin, la marche, les voix maternelle et paternelle. Mais s’il naît avant terme, tous ces bruits sont remplacés par d’autres qui ne font pas sens pour lui : le bruit et les sonneries des machines, les bruits infirmiers, etc. Elle va donc tenter de restaurer, dans le service, davantage de silence et de sons à sens, comme elle les appelle.

Accompagner les bébés sans violence.

En découvrant Leboyer, un obstétricien résistant, elle apprend à accompagner les mamans et les bébés sans violence, en veillant à leur intimité, à ne pas éblouir le bébé et à prendre en compte sa douleur. Ce dont un bébé a le plus besoin, c’est de sa maman, c’est pourquoi elle développe de nouvelles techniques de soins.

Le « peau à peau » est une méthode colombienne qui a mis du temps à s’imposer chez nous. Il s’agit de remplacer la couveuse par le contact peau à peau, 24 heures sur 24, avec la maman, le papa ou un autre proche. On constate que les bébés sortent plus vite de clinique. Mais cela demande une réorganisation complète des services avec des chambres adaptées.

La reconnaissance de la supériorité du lait maternel sur le lait de vache a été longue, et implanter une banque de lait maternel en clinique a été difficile. Pourtant, on observe un meilleur développement intellectuel chez les enfants nourris pendant le premier mois au lait maternel.

La création d’une grille d’observation du bébé, NIDCAP, a beaucoup aidé le personnel soignant. Le bébé parle avec son corps et en observant tous les détails, le rythme cardiaque, la couleur de la peau, on peut se mettre à l’écoute du bébé.

Depuis qu’elle a pris sa retraite, Anne Pardou s’efforce de faire venir les artistes dans les services de néonatologie, pour faire entendre de la musique et du chant, pour faire chanter les parents et les infirmières. Les conteurs lisent aussi des histoires et incitent les parents à faire de même. Beaucoup d’enfants prématurés ont des troubles du langage et leur lire des histoires favorise le développement du langage. C’est comme pour les oiseaux qu’elle observe en passionnée d’ornithologie. Elle découvre en effet que la maman oiseau parle à son œuf. Elle imprègne ainsi l’embryon de son empreinte vocale, ce qui leur permettra de se retrouver et de s’identifier par la suite.

 

La naissance rompt des digues

Du peau à peau, au coeur à coeur.

Lorsqu’on devient parent, les souvenirs de l’enfant que l’on a été ressurgissent et ils ne sont pas toujours agréables. C’est le moment de tordre le cou à son passé. Et la naissance d’un prématuré est un tremblement de terre qui secoue la famille.

Elle écrit quatre livres pour aider les parents et les proches à vivre cette épreuve. Elle rassemble dans l’un des histoires que les parents peuvent lire à leur bébé. L’autre est un livre de photos qui témoigne des moments de tendresse qui peuvent se vivre au cœur d’un centre de néonatologie. Le troisième est un livre qui s’adresse aux frères et sœurs pour qu’ils puissent comprendre ce qui se passe. Le dernier est un carnet de voyage pour un bébé né trop tôt.

Au fil des années et des progrès de la technique, on sauve de plus en plus de bébés. Depuis les années 80, le développement de l’échographie, du scanner cérébral et de l’IRM ont révolutionné la néonatologie.

La première chose qu’il faut prendre en charge chez un bébé prématuré, c’est son souffle défaillant. En dessous de 32 semaines, les bébés ont tous des détresses respiratoires. L’invention de respirateurs adaptés aux tout petits va renouveler la prise en charge des bébés. Mais les fins de vie en début de vie sont souvent très difficiles. Quoi qu’il arrive, elle encourage les parents à nommer leur enfant. Le prénom l’inscrit dans une lignée familiale. Et quand la mort est inévitable, elle fait couper le monitoring et demande aux parents de prendre leur bébé dans les bras.

Avec ses livres, elle espère que les parents pourront mettre des mots sur leur souffrance et sortir de leur propre histoire en partageant celle des autres.

 

Interview : Christian Merveille

Texte : Jean Bauwin

Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/

Photos : Chantal Vervloedt-Borlée

(14/10/2017)

 

Anne Pardou, Christian Merveille et Josse Goffin, Né trop tôt, Bruxelles, Mijade, 2011.

Anne Pardou, Contes pour parents de petits bonhommes et petites bonnes femmes.

Si petits, si forts (avec des photographies de Michel Vanden Eeckhoudt).

Contes pour parents de petits bonshommes et de petites bonnes femmes.

Carnet de voyage de mon bébé né si tôt.

à commander par mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

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