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Samedi du Prieuré : Christine Mahy (03/06/17)

ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Christine Mahy : La pauvreté n'est pas une fatalité

 

Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, est une grande résistante. En prêtant sa voix aux sans voix, à ceux qui vivent dans le trop peu, elle dénonce les politiques structurelles qui gèrent la pauvreté, comme si elle était un mal inéluctable, plutôt que d’en éradiquer les racines.

Christine Mahy est la plus jeune d’une famille de quatre enfants, « un accident heureux », dit-elle. Elle naît à Marloie dans une famille de condition modeste. Ses parents rêvent d’atteindre le palier du dessus, au prix d’efforts démesurés parfois. Leur conviction est : « On est des petits, il faut s’écraser, et grandir en passant entre les mailles du filet. » Pour réussir, il faut passer inaperçu et se taire. Cette soumission, Christine la vit comme une injustice. Cela la pétrit de la nécessité inverse : chacun doit avoir voix au chapitre pour grandir.

Ses parents rêvent d'atteindre le palier du dessus.

 

Elle découvre une autre injustice à l’école secondaire. Elle fait le choix de poursuivre ses études à Jemelle, le choix des prolétaires. Et ses amis d’école primaire qui vont à Marche, l’école des bourgeois, ne lui parlent plus.

Elle commence ensuite des études d’assistante sociale, au désespoir de sa maman qui rêvait de voir sa fille intégrer une université, symbole de réussite. Par ailleurs, sa maman avait tout fait pour éloigner sa fille des problèmes et voilà qu’elle s’y jette volontairement.

 

 

 

Sa maman avait tout fait pour éloigner sa fille des problèmes et voilà qu'elle s'y jette volontairement.

 

Mais les études d’assistante sociale ne donnent pas entière satisfaction à Christine. On lui enseigne que ce sont les pauvres qui ont un problème, un dysfonctionnement qu’il faut corriger pour les faire rentrer dans les rails. Cela ne correspond pas à sa façon de voir les choses. Pour elle, c’est l’organisation de la société qui crée les problèmes : l’accès au logement qui est trop difficile, les rémunérations qui sont trop basses, etc. Plus insidieux encore, certaines décisions politiques distillent l’idée que les allocataires sociaux sont des tricheurs, des profiteurs. Et tout le monde sait bien entendu que les gens qui gagnent le plus d’argent sont tous vertueux… On investit aujourd’hui beaucoup plus dans la fraude sociale que dans la fraude fiscale. Or ce sont les plus riches que l’on doit inclure dans la société, pour qu’ils participent à son fonctionnement via la fiscalité.

À la fin de ses études, elle travaille à la Maison de la Culture de Marche. Elle a dû s’imposer dans un milieu qui n’était pas le sien. Son travail là-bas était de faire exister les petites gens de la région dans ces lieux-là. Les moyens investis dans la culture doivent servir à tous les habitants, quelle que soit leur condition. Il faut construire la culture avec les habitants, reconnaître la multi culturalité et les différentes façons de vivre ensemble.

 

Il faut les faire rentrer dans les rails.

 

Lutter ensemble contre la pauvreté

Le nombre de gens qui vivent en Belgique sous le seuil de pauvreté est alarmant, on parle de 21 % de la population, mais ces chiffres ne rendent pas compte de la réalité qui se vit sur le terrain qui est encore plus inquiétante. Quand l’État avait les moyens d’investir dans la diminution des inégalités, il a fait d’autres choix politiques. Aujourd’hui, les politiques structurelles réfléchissent en fonction de moyennes statistiques. C’est un scandale intellectuel. Pour diminuer les inégalités, il faut réfléchir en fonction des extrêmes et répartir de façon différenciée les aides et les primes, sinon, on favorise d’abord ceux qui ont les moyens. En Autriche par exemple, l’État a d’abord réformé les logements sociaux en matière d’économie d’énergie.

 

 

 

Chez nous, on surinvestit dans une politique « sparadrap » qui crée des réponses palliatives, qui gère la pauvreté, plutôt que de revoir les politiques structurelles. Avec le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, elle essaie de fédérer des gens qui connaissent l’exclusion, la traversée de la vie dans le trop peu, pour créer une parole collective et arriver à toucher les leviers qui permettront de résoudre les problèmes. L’autre partie de son travail est de modifier les représentations de la pauvreté dans l’opinion publique, car si l’opinion publique continue à croire que la pauvreté est due à un comportement défaillant, elle soutiendra les politiques qui vont dans ce sens.

Il convient d’aller vers les gens qui sont dans le besoin et de les écouter. Il faut partir de leur regard sur la société. Ils sont en train de faire tissu, mais ils ne sont pas encore assez nombreux, il faudrait qu’ils soient rejoints par des intellectuels, des politiques, des économistes, etc.

 

L'aide se fait à reculons.

 

Depuis 40 ans que les CPAS ont été créés, leur fonctionnement a bien changé. L’État demande aux assistants sociaux de devenir des contrôleurs sociaux, des administratifs sociaux qui sont amenés parfois à sanctionner. Leur rôle premier est de vérifier que la personne en demande a réellement besoin de l’aide, qu’elle n’est pas en train d’abuser. L’aide se fait à reculons. Cela fausse complètement la relation que l’assistant social peut avoir avec la personne en demande. Plutôt que d’aider à sortir de la pauvreté, le système l’entretient, quand il ne le renforce pas en excluant des gens de l’aide sociale. Christine Mahy raconte l’anecdote suivante : un jeune recevait 200 euros par mois de sa grand-mère pour l’aider à s’en sortir. L’assistant social qui l’a découvert, a décompté ces 200 euros de l’aide qui lui était octroyée. Comment voulez-vous, dans ces conditions, sortir de la pauvreté ?

 

 

 

Une politique sparadrap.

Les pauvres plus vertueux que les autres ?

Dans la deuxième partie de l’entretien, Christine Mahy se demande pourquoi les exclus, les pauvres, les indésirables devraient-ils être plus vertueux que les autres.

Elle prend l’exemple des gens du voyage. La société leur demande d’être autrement que ce qu’ils sont. Ils doivent tenir l’équilibre entre leur culture et une société qui ne veut pas d’eux et les considère comme des dangers. S’ils s’installent sur des terrains sans autorisation, c’est parce qu’ils savent que lorsqu’ils la demandent, ils ne l’obtiennent pratiquement jamais.

Les gens qui ont le moins de moyens vivent dans les logements les plus petits, les plus insonorisés, ce sont eux qui vivent donc en plein les problèmes de confrontation sonore et d’espace. Rien n’est fait pour leur faciliter la vie.

On reproche aux familles pauvres d’avoir des gsm, des écrans plats, des jeux vidéo. Mais qui, dans notre société, à part quelques militants de la cause, peuvent vivre sans gms, sans télévision ? Combien de mamans n’équipent-elles pas leurs enfants de gsm dès qu’ils doivent prendre le bus. Une maman dans le besoin n’a-t-elle pas les mêmes peurs ? On demande aux gens qui vivent dans le trop peu de faire des choses qu’on ne ferait pas soi-même. Et vivre dans une simplicité volontaire, choisie, c’est très différent que de vivre dans une simplicité obligatoire.

Notre société organise structurellement un système à deux vitesses avec les épiceries sociales par exemple. Mais on conditionne ces aides à toute une série de critères et on doit savoir absolument tout sur l’autre. Ce déshabillage de la vie privée est souvent très mal vécu. C’est bien de forcer les magasins à donner leurs invendus alimentaires, mais cela veut dire qu’on ne combat plus structurellement la pauvreté.

Beaucoup de militants aujourd’hui pensent qu’il faut recourir à des formes d’action plus radicales : la désobéissance civile ou la violence. Les germes d’une révolution sont là et la police fédérale s’inquiète de savoir combien de temps encore les gens tiendront avant de s’exprimer par la violence.

Pour éviter cela, il faut considérer les gens comme des sujets et pas comme des objets de dossiers ou de subsides. Il faut construire une société sur la réduction des inégalités, sortir de la « plaintomanie » au moment de la tasse de café, porter ses revendications à l’extérieur, se mettre en mouvement pour faire bouger les choses. À fréquenter beaucoup les gens qui sont dans les difficultés, Christine Mahy reste admirative devant leur énergie à vivre, une énergie contagieuse, qu’elle transmet par son action sur le terrain et son souffle puissant.

Jean BAUWIN
(03/06/2017)

Réseau wallon de lutte contre la pauvreté : www.rwlp.be

Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/

Photos : Chantal Vervloedt-Borlée

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