Jeudi Saint 2017 : Bruno Rotival - Rencontre

JEUDI SAINT 2017 : ÉCHOS DE LA RENCONTRE

LA RÉSISTANCE DU JEUDI

Je n'ai pas eu d'appel monastique.

Un Jeudi Saint avec Bruno Rotival ou la résistance par le silence
 

 

Voilà 40 ans que Bruno Rotival photographie l'intimité monastique. Il a fréquenté plus de 80 monastères et abbayes à travers le monde, du cloître à la cellule et du réfectoire à l'office. Pour le Prieuré, le photographe-contempleur raconte sa traversée silencieuse.

« Il y a trop d'images. Il y a ceux qui ont un appareil photo. Il y a le photographe. »

Bruno Rotival a réalisé de nombreuses expositions et prépare, en ce moment, une numérisation et indexation de l’ensemble de son travail photographique. En automne prochain, il sortira son prochain livre sur l'abbaye cistercienne de Val Notre-Dame au Québec, aux Éditions Mediaspaul. Frère Bruno-Marie, moine cistercien et photographe, a joint ses images aux siennes. Gabriel Ringlet en assure la préface.

Arrivé depuis la Bourgogne, Bruno raconte qu’il a vécu une enfance sans histoire au sein d’une famille unie. Ses parents très présents le protègent et lui laissent une grande liberté, comme il le réalisera bien des années plus tard. Il entreprend des études de chimie mais ce n’est pas sa vocation. Car lui, ce qu’il veut, c’est faire de la photo.

En 1970, il part vivre à Madagascar et entre dans le service photographique des armées. De retour en France, il entre au sein du département photo de la Fnac de Lyon où il travaillera pendant près de vingt ans. Il y photographie de nombreux artistes, des pièces de théâtre et divers spectacles. Les rencontres sont nombreuses et enrichissantes. Il édite à compte d'auteur, en septembre 1976, un recueil de 240 photographies sur les spectacles à Lyon.

 

Une véritable révélation 

« Les églises gothiques se regardent debout. Les églises romanes se regardent à genoux. Je suis du côté des églises romanes. »

En 1976, Bruno souhaite travailler dans un lieu clos. En Isère, se trouve le monastère de la Grande Chartreuse qui est le premier monastère et la maison-mère des moines-ermites de l'ordre des Chartreux. Bruno s’y rend avec l’intention d’en photographier les alentours car, conformément à la règle cartusienne qui veille à protéger la solitude des moines, le monastère ne se visite pas. Il se produit alors une chose impensable, et il saisit l’opportunité d’un rendez-vous avec le Prieur.

« Le lendemain, le Père Prieur m'attendait. J'ai découvert en quelques heures le cloître immense et vide aux dalles de pierre qui résonnent, la bibliothèque remplie de secrets, le cimetière et ses croix de bois noires et penchantes et celles de pierres effleurées par la mousse, les jardins aux odeurs de tisane, les cellules au dénuement sans concession, quelques frères entrevus, quelques mots échangés. » Bruno se souvient avoir eu le sentiment à ce moment précis que sa vie allait changer.

En 1990, il sort un ouvrage aux Éditions Brépols intitulé « Le temps du silence ». Un recueil de photographies en noir et blanc qui connaît un franc succès. Il décide alors de s’investir complètement dans cette voie et photographie plus de 80 monastères et abbayes. La règle cistercienne l’a beaucoup aidé. Grâce à cela, il se rend en Israël, en Suisse et visite les chartreuses françaises.

Il se rend aussi au Liban, il en écrit 1000 pages... sans en voir le bout. Il est impossible de résumer ce pays, il repose sur une fragilité dit-il, une constitution qui n’a jamais été écrite. Magnifique et terrible à la fois. Il le ressent comme un coup de foudre.

 

Sous les capuches des moines... et du photographe. Ce qu'on y trouve, ce qu'on y découvre.

Un chemin modeste et sincère

« J'aime mes photos. J'aime les moines. »

Il est très rare de fréquenter des abbayes de cette manière-là, il participe et photographie la vie des moines. Bruno parvient, chaque fois, à trouver sa place et à entrer dans l’intimité des lieux tout en restant pudique. Il lui arrive de recevoir des conseils et des instructions, toutefois, il aime vivre au plus près d’eux. Sa perception de la vie monastique est telle qu’une fois le lieu pénétré, il en oublie tout le reste.

Aucune de ses images n’est recadrée, il ne photographie que la réalité en noir et blanc. Entre l’ombre et la lumière - entre le noir et le blanc - il y a le gris. Cet intermédiaire, il l’aime. « Il existe 27 000 de nuances de gris qui apportent de la présence, de la profondeur, de la nuance. Une photographie rend authentique un moment, elle doit montrer la réalité. »  Il aime regarder les photos qu’il a faites et se sent toujours ému en les revoyant.

 

Du silence à la musique 

Bruno est un passionné de la chanson. Le jour où il rencontre Serge Lama, il est bluffé. « Je suis malade a capella, ça change le regard qu’on a sur Serge Lama mais aussi sur le monde de la chanson en général. »

Il peut passer des semaines entières à travailler sur le texte d’une chanson. Il admire énormément la chanteuse québécoise Linda Lemay pour son tallent d’écriture. C’est à la radio qu’il l’entend pour la première fois, depuis, il écoute ses chansons chaque jour, car elle met des paroles sur ce qu’il ressent.

 

 

Une photo qui se fait dans la lenteur... Un photographe heureux qui marche vers la lumière.

Son propre chemin spirituel...

Entre la photographie et la contemplation la complicité lui paraît évidente. Toutes les deux sont affaire de pureté, de transparence. Pour un contemplatif et pour un photographe, il faut savoir être patient : apprendre sans relâche à garder son âme immobile devant quelque chose de beau. Chercher Dieu est une aventure aux méandres difficiles, on sait bien qu'il est insaisissable, souvent on croit « le saisir » et par là-même saisir la lumière, faire « la photographie » et puis la flamme vacille, s'éteint, l'image ne sera pas. Demain, il faudra recommencer.

Les moines ne l’ont pas converti. Chrétien mais pas catholique, il est heureux de vivre ces rencontres qui enrichissent sa vie. Il est persuadé qu’elle serait moins heureuse et complètement différente, s’il l’avait vécue éloigné de cet itinéraire spirituel. Une fois rentré chez lui, le goût du silence et celui du sourire des hommes qui l’ont accueilli lui manque. « Je ne me voyais pas vivre dans une abbaye...mais je me verrais bien, un jour, y mourir... ». 

 

 

 Lindsay DEVILLERS et Jean BAUWIN
(13 avril 2017)

Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/
Photographies : Catherine Rotival

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer