Rencontre avec M. le cardinal Jozef de Kesel (16/02/17)

ÉCHOS DE LA RENCONTRE AVEC M. LE CARDINAL JOZEF DE KESEL

« Chrétien avec vous ! »

 

Le jeudi 16 février 2017, le cardinal Jozef de Kesel était l’invité du Prieuré pour une grande interview, menée par Gabriel Ringlet. Cet homme humble et modeste, que la fonction cardinalice ne semble pas avoir changé, est revenu sur son parcours et sa vision pour l’avenir de l’Église.

Jozef de Kesel est né à Gand en 1947, cinquième enfant d’une famille de neuf. Il plaisante sur cette place centrale, comme une métaphore d’équilibre. C’est peut-être de là que lui vient cette volonté de garder l’église au milieu du village en jetant des ponts.

Il fait ses études secondaires à Eeklo. Dès son adolescence, le jeune Jozef s’engage à la JEC, la Jeunesse Étudiante Chrétienne, dont il devient chef d’équipe à 17 ans. Ses parents lui font confiance et lui laissent une grande liberté. Il y a beaucoup à faire en paroisse en ce temps-là. À 18 ans, il entre au séminaire, en plein Concile Vatican II. À cette époque-là, la vie dans le village, les mouvements de jeunesse et la vie paroissiale forment un tout. Le vicaire est un copain et on discute beaucoup des réformes liturgiques initiées par le Concile.

Jozef, l'enfant du milieu.

Il étudie la philosophie à Gand et y reçoit un enseignement rigide. La discipline imposée lui pèse. Il poursuit alors ses études à Leuven où il peut respirer davantage. Il termine son cursus à Rome où il vit enfin au grand air. Dans sa thèse de doctorat, il s’interroge sur le sens théologique de la question historique de Jésus. Cette lecture critique de la Bible devrait aujourd’hui pouvoir être faite pour tous les textes sacrés.

                                         

Évêque puis cardinal

En 2002, il devient évêque de Bruxelles à sa grande surprise. Lui qui vient du nord de la Flandre, il n’y connaît pas grand monde. Après quelques mois cependant, il s’y sent plus à l’aise. En 2010, Mgr Léonard l’envoie dans le Brabant flamand. Il obéit mais, à peine installé, le scandale « Mgr Vangheluwe » éclate, et on lui demande de prendre sa succession. Il fallait installer le plus vite possible un évêque à Bruges, et comme il l’était déjà, cela facilitait les choses. Il y a été bien accueilli. Il considère qu’en 2011-2012, la commission parlementaire sur les affaires de pédophilie a sauvé l’Église. Les évêques ne savaient que faire. Il fallait une structure transparente, officielle et reconnue pour traiter des faits prescrits. La commission a senti que l’Église voulait vraiment prendre ses responsabilités et la confiance s’est installée.

Mgr de Kesel a reçu toutes les victimes de Bruges. Certaines ont vécu des choses très graves et désastreuses. La plupart de ces crimes ont été commis dans un milieu fermé où le prêtre avait les pleins pouvoirs sur l’enfant. Il faut donc veiller à ce qu’une telle conjonction ne puisse plus se reproduire.

En 2015, il devient archevêque puis il est créé cardinal très vite, en 2016, par le pape François. Il se choisit comme devise : « Je suis chrétien avec vous ! » Il admire beaucoup ce pape qui a une vision pour l’Église, il sait où il veut aller et il y va avec courage, tout en restant lui-même, un homme libre. Mgr de Kesel envie son audace, lui qui se décrit plus prudent et qui évite de trop brusquer. Avec son encyclique « La joie de l’amour », le pape n’a rien changé à la doctrine, mais il a tout changé…

 

Il n'est pas bon de n'avoir qu'un seul chemin.

Faire route ensemble

Le christianisme, c’est un point de vue qui ne doit pas s’imposer mais qui doit pouvoir s’exprimer publiquement. « Oui à la laïcité, non au laïcisme », dit-il. Autrefois, le christianisme était culturel dans notre pays, mais notre société s’est sécularisée. Le christianisme doit accepter qu’il y ait d’autres points de vue. L’État doit être garant du vivre ensemble dans le respect des différentes convictions. Il n’est pas bon que le christianisme soit seul, comme il n’est pas bon que l’islam soit seul. Le cardinal a rencontré l’archevêque de Rabat au Maroc. La communauté chrétienne (600 personnes) y est composée d’hommes d’affaires, de diplomates ou d’Africains sub-sahariens. Il ne peut pas baptiser, ni proclamer l’évangile publiquement, mais il reste là parce qu’il veut montrer qu’il y a un autre chemin vers Dieu. Il n’est pas bon pour une société de n’avoir qu’un seul chemin.

Le christianisme qui a fait ce chemin vers la sécularisation pourrait encourager l’islam à trouver une forme européanisée qui accepte la laïcité. Ce n’est ni la Charia, ni l’Évangile, ni la Thora qui règlent la société, c’est le parlement. Pour y parvenir, il ne faut pas se faire donneur de leçon, mais fraterniser avec l’islam, rencontrer des musulmans et encourager ceux qui sont ouverts. L’islam n’a pas une tradition théologique et critique comme la nôtre. La foi doit être libre et critique, et pour aider l’islam à s’intégrer, la fraternité fait plus que la théorie.

Une Europe qui se replie est en contradiction avec ses propres valeurs.

Notre culture européenne porte l’universalité en son sein. Une Europe qui se replie sur elle-même dans le nationalisme et le protectionnisme est en contradiction avec ses propres valeurs, avec le cœur même de sa tradition. Une liberté sans fraternité est vide et une fraternité sans liberté, c’est le communisme.

Privatiser la religion, la marginaliser et ne pas reconnaître l’importance du religieux pour la construction de la société, n’est pas la solution pour lutter contre le terrorisme, au contraire. Il ne faut pas confondre non plus l’enseignement de la religion et la catéchèse. Le but de la catéchèse est de préparer quelqu’un à devenir chrétien. Le but d’un cours de religion est d’informer les jeunes sur notre tradition chrétienne et les autres. Il faut un cours de religion si l’on veut aujourd’hui encore visiter un musée.

 

 

 

Une dame témoigne dans l'assemblée : dans sa paroisse, deux de ses petits-enfants sont enfants de coeur. La troisième ne peut pas, parce qu'elle est une fille. Le cardinal rappelle que rien ne permet de s'opposer à ce qu'elle le soit.

La beauté de la foi

Dans l’avenir, l’Église ordonnera sans doute des hommes mariés. Dans l’Église catholique orientale, cela existe déjà. L’Église y ordonne des hommes célibataires ou mariés, et ils restent dans l’état où ils ont été ordonnés. En Roumanie, beaucoup de prêtres catholiques sont mariés. À Malines, un des séminaristes est chaldéen d’Irak, il est marié, père de famille et sera ordonné dans trois ans. On ne peut plus maintenir deux disciplines différentes. Mgr de Kesel pense que le sujet est mûr pour un prochain concile. Par contre, pour l’ordination des femmes, le problème est différent et plus complexe. Toutefois, si le pape a lancé une commission sur le diaconat des femmes, c’est qu’il veut ouvrir le sujet.

Aujourd’hui, beaucoup de jeunes s’éloignent de la foi, au désespoir parfois de leurs parents. Mais c’est la culture dans laquelle nous vivons qui éloigne nos jeunes. Il ne faut rien forcer, une pastorale trop directive ou prosélyte, serait contre-productive. Il faut parfois se taire pour annoncer l’Évangile. Il reste toutefois un message extraordinaire et les jeunes y reviendront peut-être. Dans une société qui s’est organisée sans Dieu, Dieu est devenu totalement gratuit. On n’est pas obligé de croire, c’est ce qui fait la beauté de la foi.

 Jean BAUWIN
(16/02/2017)

Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/

 

 

 

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