Skip to main content

Samedi du Prieuré : Philippe Defeyt (28/02/15)

SAMEDI DU PRIEURÉ : ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Philippe Defeyt : Être signe d’humanité dans l’en-bas

 

Philippe Defeyt est aujourd’hui président du CPAS de Namur. Cette mission, il la considère comme la plus belle qu’il ait exercée, parce que son rôle est de redonner leur envol à ceux qui sont exclus du travail et de la société, à ceux qui vivent dans l’en-bas.

Philippe Defeyt est né en 1953 dans une « famille typique de l’après-guerre », comme il aime à le rappeler, c’est-à-dire une famille qui avait entamé une forme d’ascension sociale et qui croyait fermement au progrès : « demain serait meilleur qu’aujourd’hui, les salaires ne cesseraient pas d’augmenter et la couverture sociale allait s’améliorer ».
Quelques rencontres vont marquer son parcours. À Malonne, où il fait ses études secondaires, il rencontre un frère des écoles chrétiennes qui met sur pied un groupe de jeunes qui se donnent pour mission d’aider des personnes âgées et pauvres d’un quartier de Bruxelles. Ces jeunes les accueillent à Malonne pour des vacances et retapent leurs logements. Philippe Defeyt découvre avec ce frère la pauvreté et la précarité.

Ensuite, aux Facultés de Namur, où il étudie l’économie, il s’engage dans une agence de coopération au développement développée par l’université. Il se retrouve alors à travailler durant un an en Inde, sur l’endettement des pêcheurs. Il découvre là ce que peut être l’exploitation des êtres humains par d’autres.
À son retour, il rencontre Paul Lannoye, célèbre scientifique qui étudie les questions d’autonomie énergétique et qui l’ouvre au combat politique.
En 81, il participe, ce qui est un privilège rare, à la fondation d’un nouveau parti politique, ÉCOLO, et à la rédaction de son programme. Il deviendra parlementaire en 91 et co-président du parti entre 99 et 2004, un poste phare, mais peu enviable, « on est toujours entre le marteau et l’enclume », confie-t-il. Ce qu’il apprécie le plus à ce moment, c’est de réfléchir aux moyens de faire changer une société, malgré les résistances à l’intérieur et à l’extérieur de son parti.


Rester en contact avec la réalité

Philippe Defeyt mène de front sa carrière politique et la recherche scientifique. C’est sa façon à lui de rester en contact avec le terrain. « C’est ce qui manque à beaucoup d’hommes politiques aujourd’hui, regrette-t-il. Beaucoup trop de décisions sont prises dans l’urgence, sous le coup de l’émotion, ou en se basant sur l’apparence des choses. » Avec ses recherches qu’il met d’ailleurs gracieusement à la disposition de tous, via le site internet www.iddweb.be, il entend rester en lien avec la réalité et l’éclairer par des enquêtes ou des analyses pertinentes.
Avec humilité, Philippe Defeyt concède qu’il a le don de la vulgarisation. « Mais chacun a un don, qu’il doit mettre en valeur et au service des autres, ajoute-t-il. Les pauvres, ce sont ceux qui n’ont pas la chance ou l’occasion de découvrir et d’alimenter leur don. Des gens qui sont au chômage pourraient apporter beaucoup à la société, si on leur donnait l’occasion de réaliser leur projet et de mettre en œuvre leur don. » Le sien, c’est donc de parler clairement, avec des images simples et audibles par tout le monde.
À ce don inné de la communication il ajoute trois principes : dire ce que l’on pense, bien connaître son sujet, et parler avec ses tripes.
Philippe Defeyt met aussi un point d’honneur à participer à toutes les réunions du comité spécial du CPAS. C’est là qu’on étudie les dossiers et qu’on reçoit en audition les plaignants. « C’est une expérience très prenante, mais c’est là qu’on comprend ce qui se passe sur le terrain. »
Le CPAS qui devrait, en théorie, être le dernier recours des gens en difficulté, devient dans les faits leur premier recours. L’INAMI, les mutuelles, la sécurité sociale ne font plus leur travail et les CPAS sont désormais amenés à résoudre des problèmes qui ne sont pas de leur ressort. Ils doivent résoudre les problèmes que personne d’autre ne veut prendre en charge. Et pourtant, ils ont tendance à s’accumuler : séparation, endettement, problèmes de santé, etc. Il faut d’abord stabiliser les gens avant de tenter de les réinsérer.
Mais la classe politique est déconnectée des vraies questions concernant la pauvreté. Celles-ci sont rarement débattues au Parlement Wallon, les décisions concernant les CPAS sont prises par des gens qui n’y connaissent rien.
Pour réenchanter l’humanisme, Philippe Defeyt croit beaucoup au tissu associatif et aux initiatives qui sont prises par les citoyens. La confiance dans le monde politique et dans l’avenir est en crise. Une étude a montré que le bonheur et la confiance sont liés. Les gens les plus heureux sont ceux qui font le plus confiance. Notre société n’a jamais été aussi riche et pourtant, elle perd confiance dans l’avenir. Finalement on vivrait plus heureux dans une société moins prospère, mais où les mécanismes de protection sont plus forts.


Les inégalités au bas de l’échelle

Philippe Defeyt attire ensuite l’attention sur les inégalités cachées qui se trouvent au bas de l’échelle des revenus. Le scandale des hauts salaires ou des parachutes dorés ne doit pas occulter ces inégalités profondes et dont les solutions ne dépendent ni du FMI, ni du fédéral, mais des gouvernements régionaux.
Imaginons deux voisins. L’un émarge au CPAS et bénéficie d’un logement social qu’il loue 150 €. Il bénéficie de l’article 27 qui lui donne accès à la culture, au tarif social électrique et peut demander l’aide du CPAS en cas de problème de santé.
L’autre est chômeur et gagne quelques euros de plus que le premier. Il n’a pas de logement social et paye son loyer 450 €. Il n’a pas droit au tarif social électrique, ni à l’article 27 et ne sait pas qu’il peut demander de l’aide en cas de problème de santé.
Il s’agit là d’un scandale démocratique, inacceptable dont personne ne veut s’occuper, parce qu’il serait très difficile à gérer. Cela « emmerde » les politiques.
Comment organise-t-on le rationnement dans notre société ? Que fait-on quand il n’y a pas assez de logements sociaux, de places dans les crèches, dans les maisons de repos, dans les maisons d’accueil pour adultes handicapés, quand il n’y a pas assez de formations au FOREM, quand des jeunes ne trouvent plus d’endroits de stage ? Comment répartit-on ces services quand il n’y en a pas pour tout le monde ? La réponse est encore à trouver, mais personne ou presque ne s’en préoccupe.


Trois formes d’équité

En principe les CPAS doivent veiller à trois formes d’équité.
La première concerne les personnes qui relèvent d’un même CPAS. Pour cela, on met en place des procédures, des lignes directrices et des contrôles.
La seconde se joue entre les personnes qui émargent au CPAS et celles qui ne font appel à ces services. Beaucoup de personnes sont dans les conditions pour être aidées, mais n’activent pas cette aide. On se garde bien, évidemment, de faire de la publicité autour de cela.
La troisième touche les personnes qui relèvent de CPAS différents. Dans certaines communes, des jeunes n’auront aucune difficulté à obtenir un revenu d’intégration pour financer leurs études, alors que s’ils habitaient une autre commune, cela leur serait refusé. Il y a là des inégalités sociales qu’il faut absolument dénoncer, mais dont les médias et les politiques ne parlent pratiquement jamais.
Il ne faut pas oublier non plus que les gens ont aussi besoin de contacts sociaux comme de pain. C’est pourquoi le CPAS de Namur vient d’ouvrir une pension de famille, inspirée de ce que fait la Fondation Abbé Pierre en France. Dans cette pension, chaque habitant dispose d'un logement individuel, peut profiter d'espaces communs, et est accompagné par une personne hôte présente à des moments-clés pour faciliter la vie de la maison. Voilà une autre façon d’aider les résidents à prendre leur envol.

Jean BAUWIN
(28/02/2015)

 

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer