Samedi du Prieuré : Dominique Collin (01/06/13)

SAMEDI DU PRIEURÉ : ÉCHOS DE LA RENCONTRE

La passion évangélique : « Je crois au Dieu du texte »


Dominique Collin, invité au Prieuré ce 1er juin 2013, a jeté les filets de son prêche sur l’assemblée des Samedis. Sa passion des mots, des mots de la Bible qu’il « re-suscite » par une lecture ancrée dans notre temps, fut, c’est le moins qu’on puisse dire, communicative.

 

 

Vers l’âge de 12 ans Dominique Collin découvre que la question de Dieu est essentielle pour lui.  Depuis, cette question ne le laisse plus en paix. Curieux de tout et passionné par la parole, celui qu’on surnomme déjà le « petit avocat » découvre la vie de son saint patron dans une bande-dessinée. Il y a des prénoms qui scellent des destins. Il sent alors qu’il pourrait bien s’épanouir chez les Dominicains, dans cet ordre dédié à la prédication, à l’étude et qui est, de plus, un lieu de liberté.
Sa foi s’affermit tout d’abord dans les livres, dans des lectures saintes et autorisées qui lui façonnent une carapace solide, un système de pensée logique, systématique et sécurisant. Une base solide donc, que les écrits subversifs d’un certain Gabriel Ringlet ne réussissent pas à ébranler, du moins à l’époque.
Ce sont ses études de philosophie aux Facultés de Namur et ses longues discussions avec des amis étudiants athées qui le font passer d’un christianisme rigide à un christianisme questionnant, fragile et frais, sans « conservateur ». « Il faut sans cesse questionner la vérité », dit-il.
Avec les Dominicains de Lille, il rencontre la bonne humeur et la jovialité. Son désir de rejoindre l’ordre se fait plus pressant, et quand il rejoint la bande de « fous » de Froidmont, il a déjà muté intérieurement. Et aujourd’hui, Dominique Collin se sent de plus en plus prêcheur.


Parler humainement de Dieu

Pendant son année de noviciat à Strasbourg, il lit la Bible tous les matins, et cela l’ennuie prodigieusement. Et pourtant, aujourd’hui, c’est la lecture de cette même Bible qui le passionne le plus.
Ses accompagnements à l’hôpital civil de Strasbourg lui font découvrir une théologie incarnée. Ensuite, à Rixensart, il accompagne de nombreux couples vers le mariage et relit avec eux l’Évangile. Ce sont ces jeunes non pratiquants qui le rendent à la pratique de l’Évangile. Lire le texte évangélique avec un regard naïf et humain, en se mettant dedans, sans y projeter de théologie, fut une révélation qui ne cesse de le travailler.
Avec les fiancés, il découvre que la parabole n’est pas une petite histoire enfantine et naïve, mais le mode d’expression privilégié de Jésus, il y parle de Dieu sans jamais le nommer explicitement. Jésus y parlait humainement de Dieu, alors que trop souvent nous parlons religieusement de Dieu. Les Évangiles nous montrent un Jésus-Christ qui n’est ni Dieu, ni homme. Jésus est l’humain que tout homme est amené à devenir. Mais Jésus est aussi ce que Dieu est amené à devenir.
La passion de frère Dominique, aujourd’hui, c’est de mieux dire la parole, non pas la répéter comme un perroquet, mais être un lieu de résonance incarné de la parole. Les mots sont de la chair morte. C’est en les lisant que l’on insuffle de la vie dedans. Lire, c’est déployer les ailes des mots. Le Dieu qui lui parle, c’est le Dieu du texte, celui que la lecture de la Bible rend vivant et permet de rencontrer.


Quelle crédibilité pour le christianisme ?

Avec la Lettre de saint Jacques, sur laquelle Dominique Collin travaille en ce moment, il pose la question de la crédibilité du christianisme. À Auschwitz, la majorité des victimes étaient juives et la majorité des bourreaux étaient chrétiens. Si des chrétiens peuvent se conduire d’une telle façon, le christianisme a-t-il encore une crédibilité ? Est-ce que l’Évangile peut changer quelque chose au cours du monde, à la fois collectivement et individuellement ? Est-ce que la lecture de la Bible nous permet de bien vivre notre vie ? d’humaniser notre vie ?
Nous sommes tous des prématurés, nous avons à devenir humains. De même, nous ne sommes pas chrétiens par le baptême, nous avons à le devenir chaque jour. Mieux que chrétiens, nous sommes appelés à devenir christiens. La chrisitianité, c’est une qualité, une manière d’être et de vivre. Notre mission n’est pas de faire un maximum d’adeptes du christianisme, mais de s’aider mutuellement à devenir plus humains. Et cela passe aussi par la jovialité, la vertu qui consiste à rendre les autres contents.


« Au commencement, viens ! »

Ce qui fait la crédibilité du chrétien, c’est la cohérence entre sa foi et ses actes.
Avoir la foi, ce n’est pas admettre un certain nombre de croyances, c’est d’abord faire confiance, faire crédit à la parole d’un autre. Celui qui fait confiance voit un chemin s’ouvrir devant lui, alors que celui qui ne fait pas confiance se referme en lui-même et se coupe des autres.
Plutôt que de traduire Évangile par Bonne nouvelle, Dominique Collin propose une autre traduction : Parole d’encouragement. Le Christianisme donne le courage, le goût d’exister et de bien vivre. C’est une parole ajustée à notre désir de vivre. Beaucoup de gens sont dans la lassitude du désir et Jésus nous guérit, il réveille le désir de vivre, de remettre de la vie dans la vie.
Le monde contemporain glorifie la joie sans les épreuves. Le christianisme a longtemps célébré les épreuves sans la joie. Saint Jacques nous invite à considérer la joie dans les épreuves. Si les épreuves sont incontournables, elles peuvent être un lieu de maturation. Et puis, il y a toujours cette petite joie increvable que nous trouvons au fond du puits, comme le disait Sullivan.
Relisons les premiers et les derniers mots de la Bible : « Au commencement, viens ! »
Voici comment on peut les lire : « Quel que soit ton passé, ton passif, du neuf s’inaugure pour toi aujourd’hui. Tu es toujours à un commencement. Si tu t’ouvres à l’avenir, tu deviens. »
Ce qui manque à nos jeunes, c’est d’avoir devant eux des adultes, des adultes bienveillants et non jugeants. Des adultes qui font leur parole, des êtres humains qui sont au début de quelque chose qui les fait advenir.

Jean BAUWIN
(01/06/13)

 

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