Semaine Sainte 2013 - Rencontres

SEMAINE SAINTE 2013 : ÉCHOS DES RENCONTRES


« La lune, la mer et le Grand Nord »

Murmurances pascales


Dans un très beau texte, magnifiquement interprété par les Muses, Fred Pelerin, auteur-compositeur québécois, a notamment cette phrase superbe :
« J’m’en vas t’amener où c’est silence

Pour entendre juste la murmurance de ta voix
Une fois ».

Sans conteste, Olivier, Corinne et Albert nous ont amenés en « intériorité », contrée souvent escarpée, parfois « terre inconnue ».
C’est Albert qui nous dit ceci : « Mon plus rude voyage, le plus difficile, le plus risqué m’a conduit…à l’intérieur de moi-même ».
L’intériorité a pour seul guide le silence. Souvent peu loquace, il nous laisse avec nous-mêmes pour retrouver nos « visages » qui sont, comme le dit Sœur Emmanuelle, « plus beaux que les masques qui les cachent ».

Les quelques lignes qui suivent sont donc des carnets de voyage, des « murmurances » qui, à oreilles tendues, ont été entendues au cours de 3 jours saints en « pays de Prieuré ».

 

Murmurances de lune…

Sur leur carton de mariage, Olivier De Schutter et son épouse ont tenu à y faire figurer une citation de J-P.Sartre qui constitue, sans aucun doute, un programme de vie : « Il ne faut pas craindre de vouloir la lune ; il nous la faut ».
Très certainement, Olivier a également épousé la lune mais celle-ci avait aussi rendez-vous avec le soleil.

Ses interventions, le Jeudi Saint, sur le thème des « Droits de l’homme » étaient lumineuses et leurs rayons éclairaient au loin, au très loin.

A une question de Gabriel Ringlet qui lui demandait ce à quoi il faut s’attaquer en priorité, Olivier donne cette réponse en 3 dimensions :

« Longtemps, on a pensé que la faim pouvait se résoudre par l’amélioration des moyens de production mais, en fait, on a négligé l’impact sur l’environnement d’une part et la pauvreté rurale, d’autre part. En réalité, si les gens ont faim, c’est parce qu’ils n’ont pas les moyens ».

« Une des clefs pour l’avenir serait de reconstituer les liens entre villes et campagnes. On n’a pas « investi » dans les petits agriculteurs.
Il faut lancer et créer des coopératives qui réunissent producteurs et consommateurs. L’Etat doit être facilitateur d’innovations sociales locales ».

« Des premiers résultats se font sentir comme ceux liés à la mise sur pied de dispositifs où la participation est plus forte dans la définition des politiques. Les gouvernements doivent désormais rendre des comptes et doivent écouter davantage avant de décider ».

Olivier nous invite à plusieurs combats :

« Nous devons être « citoyens » au quotidien et être vindicatifs par rapport aux gouvernements. Il faut interroger les choix qui sont faits par les politiques ».

« Nous sommes dans une société individualiste où le besoin de solidarité disparaît. Les hommes sont en concurrence les uns avec les autres. La croissance des inégalités est de plus en plus forte ».

« Nous devons avoir un objectif de sobriété et un impératif d’égalité ».

Olivier nous dit qu’aujourd’hui, il éprouve un certain désintérêt pour la pratique religieuse mais qu’il a la conviction que le spirituel est très important dans les combats à mener pour que le monde change…Il s’excuse mais il n’arrête pas de « chercher ».


Murmurances de mer…

Lors de la célébration du Vendredi Saint, Corinne van Oost nous a proposé un texte d’A.Baricco très interpellant, texte qui lui avait été confié par une patiente en soins palliatifs :

« …Pour que personne ne puisse oublier combien ce serait beau si, pour chaque mer qui nous attend, il y avait un fleuve, pour nous. Et quelqu’un, - un père, un amour, quelqu’un capable de nous prendre par la main et de trouver ce fleuve – l’imaginer, l’inventer – et nous poser dans son courant, avec la légèreté de ce seul mot, adieu ».

Corinne doit avoir le pied marin pour affronter les traversées difficiles et exigeantes qui sont les siennes…par tous les temps.

Initiative suisse, les « cafés mortels » sont nés de l’idée que les gens n’osent plus parler de la mort. Il fallait des lieux où l’on puisse parler de toutes les morts qui nous habitent…autour d’un verre de vin ou de bière.

On lira ci-après quelques réflexions épinglées au cours d’une discussion faite de respect, d’amour et de responsabilité.
Que chacun lise ces quelques mots dans la même lumière.
Les interventions sont essentiellement celles de Corinne et de Gabriel.

L’esprit de la démarche palliative est d’accompagner la personne dans ce qu’elle a à vivre, en la respectant dans ce qu’elle demande. L’objectif est double : donner à la personne malade un confort physique càd. éviter la souffrance et l’accompagner dans ce qui fait souffrance pour elle. L’accompagnement de la mort, ce n’est pas que l’affaire des médecins…c’est aussi celle des proches et des bénévoles, par exemple.

Mais il y a des situations où l’on ne sait plus maîtriser la souffrance. Certaines personnes ne veulent pas vivre une souffrance telle que vivre comme cela n’a pas de sens. On est là dans des questions éthiques difficiles et face à la demande d’euthanasie. Certains estiment que plus on est chrétien, plus on doit être respectueux de la souffrance de l’autre. Dans l’acte d’euthanasie qui n’est pas un acte facile, on reconnaît qu’on ne sait pas soulager la souffrance autrement qu’en supprimant la vie. L’équipe médicale doit acquérir la conviction qu’on ne peut pas faire autrement. C’est une décision d’équipe…On n’est jamais seul en tant que médecin à prendre une telle décision ; nous devons toujours nous poser la question : « Avons-nous tout proposé au patient ? » Cette position n’est évidemment pas celle de l’Église Catholique.

Au niveau de l’euthanasie, il faut s’indigner par rapport à toute précipitation. Il faut « résister » et réfléchir en profondeur à ce que l’on fait. L’euthanasie doit être apprivoisée, encadrée par des comités d’éthique et elle demande une grande « lenteur ». On s’inscrit dans une démarche très large avec le patient, la famille, les médecins, les infirmières, les bénévoles, les psychologues…

L’euthanasie est plus qu’un acte technique ; elle doit être accompagnée spirituellement.
Le rite est profondément humain ; pourquoi, dès lors, exclure certains moments de la vie et qu’ils soient sans rites : liturgie, musique, textes…


Murmurances du Grand Nord

Avec certitude, le Grand Nord a réchauffé Albert Longchamp. Il lui a donné un « nouveau départ ».
Albert affirme d’ailleurs ceci : « Oui, la résurrection est possible : je l’ai expérimentée ».
Un « Samedi Saint » pouvait-il rêver d’un autre témoin qu’Albert : il nous a dit son humilité et ses fragilités mais aussi ses espérances nouvelles et sa foi renouvelée.

Albert n’a pas supporté les charges du pouvoir en tant que provincial des Jésuites Suisses. Pour soulager ce fardeau, il s’est aventuré sur les chemins de l’alcool…une sorte d’enfer dont il tarde à prendre conscience et qui va le faire disparaître des radars. « J’étais en enfer, celui du mensonge à soi-même et aux autres ».

Albert rejoint alors une clinique au Québec dénommée « Nouveau départ ».Il y vit 8 semaines et découvre tout un peuple et une autre humanité. Il raconte ce qu’il vit dans cette communauté : « Chacun avait son histoire et il fallait revivre cette histoire de manière consciente. Il fallait transmettre ce que l’on avait comme souffrance dans le corps et le communiquer à d’autres qui vous respectent… on ne riait jamais sur le dos de quelqu’un ».

« Nous étions 20 à 25…des garçons et des filles, des femmes et des hommes de 17 à 68 ans avec pour compagnons de combat, la drogue, la prostitution, l’alcoolisme… J’étais le Papy. Nous avons formé une communauté de destin ; nous vivions la même souffrance mais aussi la même espérance. Le respect et l’amitié nous ont permis de remonter la pente ».

Ce fut d’abord la nuit… « Seigneur, je dis ton nom mais je ne te connais pas ». Puis peu à peu, avec l’espoir de sortir, l’intensité de la foi a grandi… « Je retrouve l’espérance et le sens de la prière toute simple… Aujourd’hui, je veux être l’espérance de Jésus pour un monde cassé… pour tous ces gens brisés ».

Albert se demande ce qu’il serait devenu sans l’amitié : celle de ses compagnons jésuites, celle de sa communauté du « Nouveau départ », celle de la centaine de personnes qui lui ont écrit après une émission de radio à Pâques 2012 au cours de laquelle Albert a témoigné de sa souffrance et de son espérance.
A la question de savoir si on devient plus tolérant après une telle épreuve, Albert a cette réponse aussi courte que forte :  « Je ne veux plus qu’on parle de salopards… un sourire peut sauver quelqu’un ».

 

En attendant Pâques 2014 et de se retrouver peut-être dans les « greniers de Malèves », voici quelques sonnailles de transhumance pour nous permettre de monter dans les alpages et de passer les cols des 12 mois à venir :
« J’apprends à me tenir debout…
C’est dans la pénombre que la lumière est belle…
C’est dans le brouillard qu’une rencontre est belle…
C’est dans le silence qu’une réponse est belle ».
Comme le prévoit David Portelance, auteur-compositeur, ces phrases doivent être « bissées »…

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