Artistes au Prieuré : Geneviève Damas (22/02/13)

ARTISTES AU PRIEURÉ : ÉCHOS DE LA RENCONTRE

La passion des mots


Le théâtre, la littérature, les mots …  Que l’on soit au non attiré par ce domaine, quand on rencontre Geneviève Damas,  on se sent d’emblée touché par sa passion à elle, sa générosité, son dynamisme solaire, son envie de communiquer. Et on se laisse tout naturellement tenter par la curiosité de la rejoindre dans son univers de mots.



Mais d’où lui vient donc cet attachement à l’expression littéraire ?
Depuis sa plus tendre enfance, elle fut éveillée par les histoires que lui lisait son père, lui même grand lecteur. Le rêve avait commencé là, avec la comtesse de Ségur et Jules Verne. Avant même de savoir lire, l’univers imaginaire s’ouvrait à elle.
Geneviève Damas a su ensuite saisir toutes les occasions pour enrichir cet univers, que ce soit par les lectures, l’étude, les rencontres, l’écriture, la mise en scène, le théâtre.
Elle mentionne notamment le rôle de deux professeurs qu’elle a eus en secondaire sans qui elle n’aurait pas pu un jour apprécier Proust, devenu un de ses auteurs préférés. « Les personnages de Marcel Proust sont comme une famille qui unit ses lecteurs qui s’y reconnaissent ». La littérature relie les êtres humains !

Mais alors pourquoi avoir fait des études de droit ?
Parce que lorsque l’on veut faire du théâtre dans une famille d’universitaires, l’idée n’est pas tout de suite soutenue : il vaut mieux commencer par « quelque chose de sûr ». Et comme le droit (domaine de sa mère) se base essentiellement sur des mots, Geneviève y retrouve de quoi satisfaire ses intérêts, d’autant que le droit touche à tous les domaines et ouvre beaucoup de portes de réflexion sur le monde et sur les humains. « Le danger pour l’artiste est de tourner en rond, de rester fermé dans son monde. Avec le droit, j’ai pu m’ouvrir, apprendre et réfléchir … »
Diplôme en poche, elle poursuit par des études de théâtre à l’IAD, tout en travaillant pour financer ce deuxième cycle. Certains jobs étudiants sont de vrais tremplins : comme ouvreuse au Théâtre National, Geneviève apprend tant sur le jeu des comédiens que sur la mise en scène… Revoir quinze fois la même pièce est une véritable école pour elle !

Et de fil en aiguille, d’assistante bénévole à assistante dans la mise en scène, de Belgique en France, du théâtre pour enfants (« L’insupportable petite princesse »), au théâtre pour adultes (Molly à vélo), elle touche aux grands thèmes qui lui sont favoris, la culture, le pouvoir des mots, la mort, l’imaginaire, la reconnaissance d’autrui,…
Elle n’a pas de plan de carrière, elle saisit juste les opportunités qu’on lui tend ; elle rebondit  et croit dans ceux qui lui font confiance : Pietro Pizzuti , Armand Delcampe, Philippe Sireuil, Jacques Delcuvellerie, François Emmanuel, Michel Lambert, Pierre Mertens…

Si Geneviève Damas a commencé à écrire des textes de théâtre, c’est parce qu’elle ne trouvait pas les textes qui correspondaient à ce qu’elle voulait mettre en scène. Mais la passion des mots se double d’une passion de rencontres. Le travail avec les comédiens est pour elle  une mise en confiance. « Quand je dirige, je donne des pistes aux comédiens pour qu’ils trouvent leur chemin ».

Au départ, l’écriture était un hobby. Ce n’était en tout cas pas un but en soi. « Toute la vie est dans la littérature. Notre vie au quotidien semble fort petite mais l’imaginaire ouvre à tout. Des écrivains ont été persécutés ou exécutés pour s’être exprimés ». (Geneviève nous lit un passage de « Jacques Anton » de Salman Rushdie).
En 2011 elle nous livre son premier roman, et est en train d’écrire le second. « Pour moi, le roman est la forme la plus aboutie de la littérature ».
« Si tu passes la rivière » (Editions Luce Wilquin) a été primé en 2012 par le jury international de la francophonie (prix des cinq continents). Elle a présenté son livre au Sénégal, en Mauritanie et ira bientôt à Haïti.  C’est une chance extraordinaire pour elle d’aller à la rencontre de ces jeunes qui ont une soif énorme de lecture et d’apprentissage. Geneviève Damas se sent profondément belge mais ses thèmes sont universels. Les africains, étonnés d’apprendre qu’il y ait des analphabètes en Belgique, se projettent aisément dans la soif d’émancipation de François, le personnage principal de son roman.

« Notre pays est au confluent de deux cultures, on a toujours été traversé par d’autres cultures. On a souvent un complexe qui fait notre charme… ».
Habitant Bruxelles (avec son mari et leurs trois enfants), Geneviève n’hésite pas à ouvrir les barrières linguistiques des écoles ou des bibliothèques, pour proposer des lectures bilingues. Et y est très bien accueillie. Un auteur flamand est traduit  (projeté) et lu ou vice versa, pour le bonheur partagé de tous.

Que se passe-t-il « si tu passes la rivière » ? Vous le découvrirez dans le magnifique roman de Geneviève Damas.
Et que se passe-t-il si nous traversons les frontières de la langue ? Venez entendre les lectures partagées à la maison Autrique… http://www.albertine.be  (11 mars et 13 mai 2013). Tout un programme !

Et vous serez convaincus, comme Geneviève Damas, qu’« Il y trop de murs, il faut construire des fenêtres… ».

 

L’interview était réalisée par Anne-Marie Pirard.
(Compte-rendu de Françoise Lambrecht.)

 

 

 

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